La Rue sans nom
de Marcel Aymé

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 3 août 2012
(Montréal - 55 ans)


La note:  étoiles
Roman populiste
Situé dans un quartier sordide de Paris où pullulent le crime et la corruption, ce roman se veut un renouvellement du naturalisme que Zola avait popularisé. Le récit débute par la réapparition de l’ex-comparse de Méhoul. L’homme en question, appelé Finocle, arrive comme un cheveu sur la soupe avec sa fille Noa, récemment arrachée d’un bordel.

La belle Noa est convoitée par toute la population mâle locale. Mais, sa beauté est une malédiction qui apporte encore plus de tragédie et dépravation sur la rue sans nom. Autour du bistro « Chez Minche » les ragots fusent. Les hommes s’entre-déchirent. En marge de ce brouhaha, les riches propriétaires décident de raser les logements insalubres. La vengeance, la dénonciation, la révolte se manifestent dans cette enclave pathétique peuplée de miséreux et d’émigrés italiens fiers.

Chronique réaliste ou ‘étude sociale’ de l’époque, elle ne reflète plus la société actuelle, notamment à ce qui a trait à la place de la femme. Néanmoins, puisque la profonde nature de l’homme n’évolue pas à grands bonds, le décalage n’est pas déconcertant. D’ailleurs, on imagine très bien cette histoire transposée dans un pays non industrialisé de la planète au 21e siècle.

L’écriture de Marcel Aymé est simple mais non sans raffinement. Il possède un talent indéniable pour évoquer les subtilités des relations humaines ; « Il arrivait que Méhoul se fit violence pour ne pas se laisser aller à de redoutables confidences que Mânu attendait patiemment et sollicitait avec une adroite discrétion. »

Le récit oscille entre la pudeur et le cru. L’étonnant mélange fait preuve d’un équilibre ludique dans sa description du mieux et du pire de l’âme humaine.