Retour à Satyah
de François Emmanuel

critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 6 novembre 2002
(Liernu - 56 ans)


La note:  étoiles
Les reflets du miroir
Il est de ces livres « irrésumables ».
Comment rendre compte de l’atmosphère, de la musique qui m’ont envahie au fil des pages ?
Fait de multiples flash-backs, ce roman est celui de la mémoire.
Aniel Mahasöhn est cet homme qui tente, fil après fil, de reconstituer la toile où transparaît le visage de sa mère, Hanna.
Il ne l'a jamais connue.
Juive, elle aura à subir pendant la guerre le destin que l’on sait.
Aniel entreprend déplacement sur déplacement dans l’espoir d'en apprendre plus.
Au travers des pages, c'est l'amour qui crie.
Que ce soit le coeur d’Hanna ou celui d'Aniel qu’il tourneboule, cet amour est intense, tendu, fou.
Deux destins tragiques, celui de la mère et celui du fils…
La sauvagerie s’apprivoise-t-elle ?
Quant au style, j'ai adoré.
Alternance de phrases longues et courtes, tantôt la poésie vous envoûte, tantôt le drame vous prend à la gorge.
Un extrait, peut-être… « Tel est le destin, sans doute : ce point de fixité dans la mouvance de nos vies.
Ou du moins, c’est à cela qu’il se laisserait reconnaître : une image, une phrase prononcée, autour de laquelle tout s’ordonne à notre insu.
A notre insu, à notre connaissance nous savons autant que nous ne savons jamais, comme cette énigme contenue dans le miroir et que certains tentent à l'infini de saisir.
Seuls, les moments de fracture, l’instant premier des départs, des rencontres, des séparations, révèlent, irruption douloureuse, cette part de l'image autour de laquelle prendraient source nos agissements.
Le rêve, aussi, pour qui sait l'entendre, mais il parle la langue des dieux. »
la répression juive revisitée de l'intérieur 8 étoiles

Ce livre est remarquable par sa très grande sensibilité. Il en ressort une profonde humanité teintée de gravité. Les personnages souffrent et les moments de bonheur sont plutôt rares. Le lecteur redécouvre la vie dangereuse menée par les Juifs dans leur ghetto en Pologne durant la deuxième guerre mondiale. Il rencontre aussi l’horreur de la guerre civile au Liban, il n’y a pas si longtemps.
Toutes ces souffrances sont difficilement supportables. La survie ne semble possible qu’en s’aidant de l’art musical classique : le chant et les instruments. C’est la touche rédemptrice pour les héros de ce livre : la chanteuse Hanna et le pianiste Aniel.
Dans ce livre, le lecteur ressent aussi une idée de pérégrination : Aniel et Hanna errent, fuient, recherchent la mer qui nettoie, baptise, purifie.
C’est également une belle recherche de l’identité, des racines. L’individu existe s’il peut s’inscrire dans une histoire avec ses antécédents et ses devenirs.

Ddh - Mouscron - 82 ans - 26 mars 2006