Revenir de Loin
de Marie Laberge

critiqué par Saumar, le 1 août 2012
(Montréal - 91 ans)


La note:  étoiles
la hantise de souvenirs brumeux
Comment parler d’un livre dans lequel se déroulent autant d’événements tristes et heureux qui aboutissent à autant de situations compliquées et imprévues où nous font vibrer de nombreux personnages intéressants et attachants. On peut tout comprendre et pardonner à Yolande, le personnage central. Force est de constater que la perte de mémoire est un procédé idéal pour l’auteur, autant pour faire comprendre les hauts et les bas de la personnalité de l’héroïne que pour préparer à l’ouverture d’une conscience fermée où les sentiments et les états d’âme dominent : de l’envie de mourir au désir de vivre, de l’abandon à la lutte, de la folie à la raison, du rire aux larmes. Les premières bribes revenues dans sa mémoire, déjà trop lourdes pour sa tête et son cœur, ravivent l’histoire, comme le passage émouvant dans lequel elle reconnaît sa propre mère et Francis, sur une photo. Quant à Steve, unijambiste, aimé de Yolande, on n’arrive même pas à le blâmer avec ses airs de petit voyou, tant il est criant de spontanéité naturelle. Il y a sa belle-fille qui, avec son comportement dysfonctionnel, demande tant d’énergie à Yolande à chaque rencontre, ainsi que son ex-mari alcoolique qu’elle ne veut plus voir. Que dire du docteur Cantin, son psy, que Yolande ira voir à chaque phrase revenue involontairement à l’esprit. Il l’aidera à affronter la vérité ou surmonter les souvenirs douloureux, sans oublier son cher Jean-Louis, son amoureux, si compréhensif. La gent féminine est un peu hystérique dans ces intrigues, en revanche les hommes, eux, sont plutôt mous.

Ce dixième roman, comme dans ses autres écrits, couvre les thèmes chers à la romancière, mais cette fois, de façon décuplée et sans retenue : la trahison, la culpabilité, la maternité, la mort, la perte d’un enfant et l’oubli d’un passé, évoquent tour à tour l’adolescente, la femme et la mère qu’est l’héroïne, ainsi que son entourage dont Yolande aurait préféré ne pas se remémorer.
C’est un roman magnifique et profond qui m’a beaucoup plu. (Sans quelques longueurs qui pourraient en décourager certains.) L’histoire est d’une rare intensité qui regorge de sensualité, de courage, de détermination et d’acuité à vouloir reconstruire la vie de la nouvelle Yolande qui au sortir du coma, après l’accident d’auto, jouit de toutes ses facultés mentales, mais n’a aucune notion de son passé. L’introduction dans l’âme et dans la conscience des personnages témoigne du grand talent de Marie Laberge. Arrivera-t-elle à ses fins? Son héroïne arrivera-t-elle à vivre dans la sérénité et l’amour tout en affrontant les personnages secondaires déjà terrassés par l’émotion