Mensonges d'été
de Bernhard Schlink

critiqué par Jlc, le 25 juillet 2012
( - 81 ans)


La note:  étoiles
Le manchot qui dansait si bien
Les recueils de nouvelles sont souvent constitués de textes épars, sans réelle unité si ce n’est le style de l’auteur. Il en va ici tout autrement. Bernhard Schlink, mondialement connu depuis le succès de son roman « Le Liseur », a réuni sept nouvelles dont le thème est le mensonge, cet ingrédient de la vie quotidienne qui souvent aide à vivre jusqu’au jour où ?

On ne dit pas toujours la vérité, encore moins toute la vérité et l’auteur, qui est juge, en sait certainement quelque chose. On ment par vanité pour être reconnu, par illusion pour sauver les apparences, par charité pour ne pas blesser l’autre, par lâcheté pour se protéger, par amour quand « on se sent aussi seul avec l’autre que si l’on était sans lui ». On se ment à soi-même autant qu’on ment aux autres. On croit ainsi mieux s’arranger avec la situation qu’on a, par le mensonge, insidieusement modifiée.

Bernhard Schlink nous raconte les conséquences provoquées par le mensonge de ses personnages. Ils sont tous issus de milieux cultivés, universitaires, artistes, magistrats, mélomanes. Ils ont l’éducation, la formation, la culture pour se conduire avec élégance et respect des autres. Pourtant ils vont vivre leur moment de vérité, une parenthèse amoureuse, des mensonges mal cachés qui, achèvent un amour, une retraite en forêt pour sauver un couple qui s’étiole, un voyage en avion avec un escroc élégant, un homme qui a un cancer et réunit sa famille pour un « dernier été », un fils qui essaie de renouer, par la musique de Bach, avec son père, une vieille dame qui s’est menti toute sa vie sur son premier amour. Tous ces mensonges sont des choix de vie mais Schlink ne juge pas. Un de ces personnages estime que « les grandes décisions qu’on prend dans la vie ne sont pas justes ou mauvaises et qu’on vit seulement des vies différentes ». C’est probablement pourquoi la fin de ces nouvelles est laissée à l’imagination des lecteurs dont les vies ne sont ni justes ni mauvaises mais seulement différentes.

Tout ceci est raconté avec un remarquable talent. L’écriture est directe, claire comme l’est souvent la langue du droit. La construction des récits, leur rythme sont révélateurs du savoir-faire de l’auteur, particulièrement dans « L’inconnu dans la nuit ». Mais mes deux préférées sont « Le dernier été » qui raconte l’histoire de cet homme qui a un cancer et qui se demande « si une fois de plus il n’avait pas rassemblé seulement les ingrédients du bonheur, même si le bonheur de ce dernier été ensemble dissimulait un malheur » et « Le voyage vers le Sud » par la description d’une femme forte pour qui « l’amour n’est pas une affaire de sentiment mais de volonté », qui retrouve le danseur manchot qui fut son premier amour et avec qui elle aurait tant voulu danser, une fois encore, « être conduite par lui, d’un bras, de manière si sûre et si légère, comme si elle planait ».

Une de mes plus belles lectures de l’année.
Un format peu adapté à Schlink. 4 étoiles

Nouveau recueil de nouvelles pour Schlink, après le décevant "Amours en fuite", cette fois-ci avec comme thématique principale le mensonge. Malheureusement, on y retrouve une nouvelle fois les mêmes défauts, à savoir des récits trop courts qui ne vont pas du tout à un auteur qui n'est jamais aussi efficace que lorsqu'il prend son temps pour installer ses intrigues. Dommage.

Sotelo - Sèvres - 41 ans - 22 novembre 2020


Déception 7 étoiles

Cela commence mal puisque la première nouvelle du livre ne me paraît pas comporter de mensonge comme argument central. Cela s'améliore sur ce point dans les autres nouvelles, mais dès celle-ci apparaissent les défauts qui vont accompagner l'ouvrage. Les personnages ne me paraissent pas vivants ni authentiques, ils ont peu de chair ni d'épaisseur, réduits à des sortes de figures destinées à illustrer et exemplifier une situation. Nulle part je n'ai trouvé, sauf peut-être dans 'Le dernier été', de véritable dimension humaine aux protagonistes. Trop de détails, de détours plus ou moins hors sujet, de considérations inutiles encombrent l'écriture qui ne retrouve pas la concision des mots et des phrases qui font la gloire des maîtres du genre, Maupassnt ou Tchékov par exemple.

Falgo - Lentilly - 85 ans - 3 janvier 2014