Asie fantôme : A travers la Sibérie sauvage 1898-1905
de Ferdynand Antoni Ossendowski

critiqué par Myrco, le 22 juillet 2012
(village de l'Orne - 74 ans)


La note:  étoiles
Dépaysement à tous les étages...
En une suite de chapitres très courts, c'est un récit peu ordinaire, fourmillant d'anecdotes, dramatiques, insolites ou cocasses, de renseignements les plus divers que nous offre là Ferdynand Ossendowski - écrivain polonais qui connut au siècle dernier une grande notoriété-sur ces contrées lointaines du sud de la Sibérie situées en bordure du Kazakhstan, de la Chine et de la Mongolie et plus loin encore, aux confins de la partie extrême orientale, en bordure du Pacifique, dans la région de l'Oussouri et dans la grande île de Sakhaline, au nord du Japon.

Dépaysement dans l'espace… mais aussi dans le temps puisque le récit concerne quelques années charnières entre le XIXéme et le XXème siècles, à une époque où le processus d'uniformisation n'avait pas encore dépouillé l'Ailleurs de son parfum de rêve et d'aventure.

Ferdynand Ossendowski était avant tout un scientifique, un géologue, à l'occasion naturaliste. C'est en marge de missions scientifiques effectuées dans ces zones, qu'il nous emmène, avec un réel talent de conteur, à la rencontre des paysages, des multiples richesses de ces contrées, entre autres leur flore et leur faune, mais aussi à la rencontre des hommes, peuples autochtones ou Russes blancs venus d'Europe.

Au premier plan: la Nature, sauvage, parfois comme on pourrait l'imaginer au commencement, paradis de ce chasseur et pêcheur impénitent qu'est notre homme. On peut d'ailleurs s'agacer, se lasser parfois , voire s'attrister de ces multiples récits de chasse ou de pêche-au demeurant fort instructifs quant aux techniques indigènes utilisées -qu'il s'agisse d'oiseaux aquatiques, daims, tigres, loups, ours, phoques… ou tarentules. Mais il faut bien avouer qu'on ne peut appréhender plus concrètement qu'au travers de ces récits cette incroyable profusion animale sur laquelle la prédation humaine n'avait pas encore eu d'impact significatif.

Pourtant dans ces immensités vivent des hommes: avec Ossendowski, nous côtoyons tour à tour des Tartares nomades, des Golds (*), des Aïnous, des Kirghizs ou autres peuples autochtones, autant d'occasions de découvrir des coutumes quelquefois des légendes qui leur sont propres. Y vit également toute une faune blanche pour laquelle de tels espaces, impossibles à contrôler, constituent un vaste champ de refuge ou d'exactions, un Far East sibérien en quelque sorte: forçats évadés, bandits, trafiquants, cosaques assassins redoutables, colons peu scrupuleux, officiers déchus débauchés. . .

Pour autant, il ne s'agit pas d'un catalogue sans âme de ces échantillons d'humanité rencontrés; l'auteur sait à l'occasion nous faire partager son émotion, son admiration ou sa compassion pour certains d'entre eux, figures mystiques ou figures damnées et parfois cependant émouvantes.

Il nous livre également un témoignage critique et politiquement engagé sur l'enfer de Sakhaline, "l'île maudite" où étaient déportés les condamnés au bagne et à la détention perpétuelle dans des conditions terriblement inhumaines.
(*)Souvenez-vous, Dersou Ouzala était un chasseur gold.

P. S: F. Ossendowski était polyglotte et une partie de son oeuvre a été écrite en anglais. C'est le cas ici.