L'homme-boîte
de Kōbō Abe

critiqué par Saule, le 2 novembre 2002
(Bruxelles - 58 ans)


La note:  étoiles
Un journal troublant
Ce livre est le journal d'un homme boîte, c'est-à-dire un homme qui un jour a décidé de se recouvrir d'une boîte, une boîte le couvrant de la tête jusqu'aux hanches. A partir du moment où on entre dans une telle boîte, on ne fait plus vraiment partie de la société nous explique-t-il, ou alors à un étage tellement bas que les gens ne vous voient même plus, ou plutôt que les autres ne veulent pas vous voir.
Peut-être est-ce le but recherché; être un homme-boîte permet de voir les autres tout en échappant à leurs regards ce qui permet d'éviter la souffrance d'être regardé.
L'histoire est assez confuse: l'homme-boîte rencontre un docteur et son infirmière. Le docteur lui propose une grosse somme d'argent pour acheter la boîte, il voudrait lui-même devenir un homme-boîte. En outre il faudra que le narrateur remplace le docteur, qui avait pour habitude de s'adonner au voyeurisme avec le consentement de l'infirmière. Mais l'homme-boîte n'est pas prêt à renoncer à son statut. En outre est-ce que ce docteur existe vraiment, ou est-ce le produit de l'imagination du narrateur ?
Voila un livre pour le moins troublant. De par le thème d'abord, qui aborde le problème de l'anonymat dans nos sociétés, la pression de la vie sociale et la déshumanisation ambiante. Et surtout l'auteur du journal mélange constamment le vrai et le faux, on a du mal à distinguer ce qui est réel de ce qui est imaginé par l'auteur. Il faut une bonne dose de perspicacité, difficile d'en pénétrer les arcanes. Parfois un peu frustrant, un livre qui laisse perplexe mais qui vaut la peine d'être lu pour le thème.
mise en boîte 4 étoiles

Le mythe de la caverne de Platon revisité. Mettez-vous une boîte en carton sur la tête et le haut du corps, avec une mince fente pour les yeux et une visière en plastique, et promenez-vous ainsi dans les rues de Tokyo. Kōbō Abe décrit les avatars de cette drôle de machine à voir le monde tout en étant en lui mais extérieur à lui. Bref, un roman philosophique sur la perte d'identité, mais sans l'humour d'un Franz Kafka ("La métamorphose") ou la férocité d'un Gunther Grass ("Le tambour"). On s'y perd un peu, entre les vrais, les faux, les vrais-faux et les faux-vrais hommes-boîtes. Au final, quel est le vrai, quel est le faux ? C'est peut-être le message que voulait délivrer l'auteur au bout de ses 271 pages, mais j'avoue que je me suis sérieusement ennuyé. Tout le monde ne peut pas être prof de philo...

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 75 ans - 27 juin 2009


le voile des femmes 10 étoiles

Je sais que tu es un fervent de la littérature japonaise, tout comme je le suis devenue.
Ton héros qui se promène avec une boîte sur la tête m'a fait furieusement penser au voile qui couvre la tête des femmes sous certaines latitudes. Tu dis que le médecin consulté voudrait lui acheter sa boite, tout comme moi, qui voudrais connaître la sensation de me promener voilée.. Quelle idée saugrenue, me rétorquera-t-on ? Pas autant que cela. Depuis que j'ai lu J-C Ruffin dans "Sauver Ispahan", cette idée me hante.
Pour ceux qui cherchent encore à comprendre, je vous livre ici la petite phrase que j'ai retenue lorsque l'auteur parle du voile qu'une Française s'était mis sur la tête en Afghanistan ou en Iran pour passer aisément inaperçue : "Elle éprouva d’un coup toute une délicieuse sensation de volupté à la pensée que, pour la première fois de sa vie, elle était entièrement cachée aux regards.
Elle flâna, tant cette sensation d'être invisible lui procurait du plaisir.
Elle qui s’était toujours occupée passionnément de varier son apparence découvrait soudain avec un joyeux étonnement, la jouissance de ne plus en avoir du tout".

Darius - Bruxelles - - ans - 4 novembre 2002