Le lys rouge
de Anatole France

critiqué par Opalescente, le 3 juillet 2012
( - 42 ans)


La note:  étoiles
Un amour qui dévore et détruit
Thérèse est riche, jeune et belle, mais elle s'ennuie dans un mariage de raison qui ne lui offre pas grande distraction. Pour tuer le temps plus que par véritable passion elle prendra un amant, Robert Le Ménil, et s'en suivra une liaison sans histoire qu'un élément apparemment anodin viendra remettre en cause : une chasse au renard à laquelle Monsieur participera et qui le tiendra éloigné d'elle pendant un long laps de temps. Offensée de ne pas être la priorité de son amant, Thérèse décide de prendre ses distances et de partir en Italie chez une amie. L'Italie lui permettra de rencontrer l'Amour avec son pendant destructeur : la jalousie.

Une histoire classique opposant la passion dévastatrice à un amour plus raisonnable mais ennuyeux. L'écriture de France est élégante et délicate, et parfaitement adaptée pour décrire un homme qu'une jalousie insensée obsède et qui met en péril une relation qui pourrait être heureuse. Thérèse, impuissante, regarde son amant les détruire...

Ce roman, écho de la liaison d'Anatole France avec Mme de Caillavet, ne semble plus avoir les faveurs du public aujourd'hui. C'est dommage car il est pourtant de très bonne facture et devrait être lu par ceux qui aiment à la fois les belles lettres et les peintures réalistes des méfaits de la jalousie et d'une trop grande passion!
Histoire d'amour dans un milieu mondain 9 étoiles

Thérèse est mariée à M.Martin-Bellème, homme politique qui côtoie les hautes sphères de la société. Elle s'ennuie avec son époux et entame une relation amoureuse avec Robert Le Ménil, ce qui lui permet d'échapper à la routine. Cette relation n'est pas vraiment passionnelle, c'est surtout un divertissement. Une troisième figure masculine aura son importance dans ce roman, le sculpteur Jacques Dechartre qui saura éveiller Thérèse à l'amour ...
Thérèse décide de partir à Florence chez une amie poétesse, Vivian Bell. Le poète Choulette retrouvera aussi ce petit monde en Italie.

Anatole France était admiré par Marcel Proust et ce roman était très apprécié de Joseph Conrad, on ne peut pourtant pas dire que ce texte soit reconnu aujourd'hui à sa juste valeur. Je n'en avais même jamais entendu parler avant de m'y intéresser par le plus grand des hasards. Cette peinture de l'amour est saisissante. Anatole France, qui s'est largement inspiré de sa relation avec Mme de Caillavet, décrit avec justesse une relation amoureuse et la jalousie qui parfois ponctue une liaison. De plus cette relation est singulière car elle se doit d'être secrète puisqu'elle est adultérine. L'Italie sera le théâtre idéal pour laisser germer cette relation. Florence possède l'un des plus beaux patrimoines, pourtant l'amour que Thérèse porte à Jacques semble éclipser tout le reste. Cette parenthèse semble lui insuffler la vitalité qu'elle n'avait plus depuis des années.

Dans ce roman, Anatole France dépeint de nombreuses scènes de repas, ou bien des discussions dans des salons dans lesquels il est question de politique et d'art. Ces passages sont vraiment agréables à lire. Ils sont stimulants et permettent de mieux connaître les personnages par leur position sur plusieurs sujets. Ces dialogues peuvent rappeler lointainement certaines discussions dans les romans de Proust. La figure de Choulette est particulièrement intéressante et divertissante. Ce personnage est inspiré en partie de Paul Verlaine. Donc Choulette apporte une certaine originalité et a une perception du réel originale parfois. Vivian Bell, poétesse elle aussi, apporte un regard d'artiste sur la vie, l'amour et la ville de Florence. La relation qui unit le lecteur à un roman est aussi évoquée et la réflexion amorcée est intéressante. Les discussions sur la littérature et l'art enrichissent le roman et donnent une épaisseur à ce roman qui ne se borne pas qu'à représenter une histoire d'amour.

Le roman est agréable à lire. L'écriture de facture classique sait séduire le lecteur par ses images poétiques et par sa capacité à décrire les lieux et les émotions. Le roman est ancré dans une époque précise et l'Histoire n'est pas absente et permet de contextualiser et de photographier une époque. Thérèse, malgré les conventions, a quelque chose de moderne et pourra toucher un lectorat contemporain, tout comme Jacques qui se retrouve confronté à une situation finale, qui n'est malheureusement pas unique. "Le Lys rouge" est un roman qui possède les germes du roman classique tout en abordant certaines situations universelles.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 9 mai 2020