Les truites à mains nues
de Charles Bolduc

critiqué par Libris québécis, le 16 juin 2012
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
On ne voit pas le temps passer
« On ne voit pas le temps passer. Le monde peut battre de l'aile, on n'a pas le temps d'y penser. Faut-il pleurer, faut-il en rire quand toute une vie se résume en millions de pas dérisoires ? Je n'ai pas le cœur à le dire. »

En inversant les vers de la chanson de Jean Ferrat, nous résumons l’essence du recueil de nouvelles de Charles Bolduc. Nous ne pouvons suspendre le temps en notre faveur, a écrit Lamartine. « Le temps n'a point de rive ; il coule, et nous passons ! » Il reste au moins le souvenir d’un temps, qui aurait pu semer le bonheur sur son passage. Mais, hélas, la grande faucheuse récolte sans tenir compte de la maturité à laquelle la moisson est parvenue.

En trente courts textes, on parcourt le bilan de l’existence du narrateur, l’alter ego de l’auteur. Fin observateur de la triste scène de la vie, il en tire d’amères leçons. Son recueil, telle une tête chercheuse, examine le quotidien pour relever le grain de sable de l’engrenage. À l’instar de Kafka, il aboutit au même constat : il est impossible de dompter l’existence, car elle échappe au harnachement comme une truite que nous voudrions saisir à mains nues.

Bref, c’est une œuvre pessimiste s’il en est, mais la sollicitude de l’auteur pour l'humanité transparaît à travers un personnage en quête d'un passage vers son Inde personnel,