Cavalier 6, suivi de L'oublié
de Pierre Benoit

critiqué par PPG, le 13 juin 2012
(Strasbourg - 48 ans)


La note:  étoiles
Nouvelles (et/ou courts romans?)
Dans son édition originale publiée en 1933, ce livre est composé de quatre nouvelles : deux plus longues, presque des courts romans ("Cavalier 6" et "L'Oublié", écrit en 1922) ; et deux autres, très brèves : 20 pages pour l'une ("La surprenante aventure du Baron de Pradeyles"), 10 pages pour l'autre ("Une Commission Rogatoire").
Habitué aux romans de l'auteur, qui sont donc par essence plus développés qu'ici, on peut être un peu dérouté au départ. Néanmoins, les nouvelles ont aussi leurs charmes. Leurs déroulements vont à l'essentiel. Leurs fins tiennent souvent en quelques lignes, nous précipitant dans le dénouement final avec force, ce qui produit son effet. Chacune des nouvelles ici possède sa thématique. On y pend plaisir, même si l'intensité n'est pas la même à chaque fois.

Très brièvement :

"Cavalier 6" :

Chargé de répondre favorablement à certaines sollicitations pour classer comme monument historique le château de Monsieur Duplessis, l'inspecteur général Etienne Guyon-Vernet se retrouve confronté en deux jours à Marthe, fille Duplessis, de son fiancé, le duc Jean, et d'un étrange et énigmatique cosaque zaporoque, Cavalier 6, alors en tournée avec ses pairs. Arborant la légion d'honneur, on le dit noble et âgé d'une cinquantaine d'années. Qui est-il, quel lien possède t-il avec Marthe et de qui Monsieur Duplessis tient-il sa fortune ? semble être les trois questions essentielles, voire existentielles à se poser.

Une nouvelle qui aurait mérité d'être un roman. Lecture agréable comme d'habitude.

"L'oublié" :

C'est un récit se situant en 1919. Il est l'oeuvre du brigadier Pindères, chargé d'une mission de reconnaissance pour tenter de sortir son escadron de chasseurs à cheval d'une situation très problématique. En effet, en mission de sauvetage d'Arméniens prétendument massacrés par des Turcs, cet escadron français, à force de s'enfoncer dans un pays qu'il ne connaît pas assez bien, s'est égaré. Une fois avancé, comme convenu, Pindères attend maintenant désespérément l'arrivée de son escadron. Serait-ce lui l'oublié ?
Après le passage d'un impressionnant régiment de Tartares, malgré sa peur, intrigué, il décide d'avancer en empruntant dans cet endroit aride, une somptueuse route grâce à laquelle il ne tardera pas à rencontrer quelques personnages insolites en train de pique-niquer. Sans le savoir, d'une étrange manière, ceci lui ouvre les portes de la mystérieuse république de l'Ossiplourie laquelle, malheureusement pour le brigadier, est en guerre contre la France depuis le 17 avril 1918...

C'est dans cet univers baroque, aux personnages quelques peu déjantés, que Pindères devra faire preuve de maîtrise, mais surtout de ruse pour se sortir d'un périple qui s'avérera de plus en plus dangereux. A moins que tout cela ne soit beaucoup plus simple que prévu...

"La surprenante aventure du Baron de Pradeyles" :

A ma connaissance, une des rares histoires conçues par Pierre Benoît qui se déroule dans le passé, peut-être la seule (je n'ai pas encore lu tous ses romans...) qui se déroule au 19ème siècle. Nous sommes ici précisément le 30 janvier 1875. Cette date est celle de l'adoption par l'Assemblée nationale de l'amendement proposé par Henri Wallon : "le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible. "L’amendement est adopté par 353 voix contre 352 : le mot "République" entre donc dans la loi constitutionnelle.L’histoire dira, note François Goguel, que " la IIIe République a été fondée à une seule voix de majorité. Ce qui n’est pas tout à fait exact, car l’ensemble de la loi où figure le texte proposé par Wallon sera adopté beaucoup plus largement : or c’est là le vote juridiquement décisif.. " (source : http://assemblee-nationale.fr/histoire/…).

Bien des années après, le baron de Pradeyles racontera avec émotion de quelle manière il est intervenu malgré lui dans l'adoption de cet amendement.
Cette nouvelle cocasse et intrigante, vaut surtout pour le rappel de cette date de l'Histoire de France. Pierre Benoît y dévoile peut-être sous le personnage du baron, quelques unes de ses positions politiques.

"Une Commission Rogatoire" :

Ivan Ivanovitch (dont le nom rappelle étrangement celui d'Ivan Le Terrible, l'héritier du Tsar, mort à l'âge de 27 ans tué par son père) est chargé par son comité de diriger une commission rogatoire afin de réunir les preuves irréfutables de la trahison d'un général russe, soupçonné de trahison. Là aussi, l'histoire est cocasse, mais pathétique cette fois ci, car la sentence est connue d'avance : il sera exécuté. Néanmoins, pour bien faire, il faut quand même étayer une argumentation allant dans ce sens ! C'est pourquoi, cette commission ira interroger au fond d'un cachot un colonel ayant servi sous les commandements du général, avant d'être interné par ce même supérieur.

Au final, seul le résultat compte, peu importe la manière...