L'oeuf guerrier
de Yann Francis

critiqué par Libris québécis, le 4 juin 2012
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Vivre en Afghanistan
Clo est une journaliste qui atterrit en Afghanistan pour enseigner à des consœurs à se servir du bon bout d'un micro. Son travail l'amène à parcourir le pays, où elle se bâche de poussière à Kaboul, s'ensable à Mazar-é-Charif, s'envase à Hérat. La jeep identifiée à une ONG est le moyen de locomotion le plus sûr pour ses déplacements entre les koh, qui dressent leurs cimes de vanille vers un ciel souvent pluvieux.

Elle partage sa vie avec Jack, un Montréalais. Que vient-il faire à l'autre bout du monde ? L'auteur se garde bien de préciser sa mission avant le dénouement. En fait, cet amant occupe toute l'avant-scène. Avec lui, nous parcourons surtout les rues kaboulies, qui offrent un concert de klaxons aux visages grillagés par la burqa ou velus portant une kalachnikov. Il circule aisément parmi eux, parvenant même à établir avec les hommes des relations d'amitié que l'on arrose avec de la bière ou de la vodka. Le roman s'attarde à cet aspect en démontrant qu'au-delà de la politique et de la religion qui barrent la route à la fraternité, les humains sont nés pour être frères. C'est angélique, mais l'œuvre n'en perd pas sa crédibilité pour autant.

En somme, c’est le quotidien d'un Québécois porté par l'amour de sa rousse. Mais c'est dans l'embrouillamini que le roman parvient à nous faire partager une vision sympathique de l'Afghan avec son jeu de base-ball et de l'œuf que l'on entrechoque en évitant d'en briser la coquille. Au lieu de se contenter de décrire certains aspects du conflit afghan, Yann Francis mise sur les relations humaines pour en couper le nœud gordien. Poétique et humoristique par moments, cette œuvre généreuse et intéressante porte la marque d'un auteur qui en est à ses premières armes.