Considération, Le verdict, Dans la colonie pénitentiaire, Un médecin de campagne et autres nouvelles
de Franz Kafka

critiqué par Vince92, le 8 mars 2021
(Zürich - 47 ans)


La note:  étoiles
Quatre nouvelles
Dans sa préface au recueil des quatre nouvelles de Kafka données dans l'édition GF de Flammarion, Bernard Lortholary fait remarquer que parmi l'oeuvre de l'écrivain praguois, ces nouvelles, fait suffisamment rare pour le signaler, ont fait l'objet d'une publication du vivant de l'auteur. Preuve indiscutable que Kafka reconnaissait le travail qu'il avait effectué contrairement à ses romans ou son journal par exemple.
Ces nouvelles donc (Dans la colonie pénitentiaire, Considération, Le Verdict, un Médecin de campagne) étonnamment, n'ont pas emporté mon adhésion. Si les romans phares de Kafka sont uniques voire indépassables sur de nombreux points, ces nouvelles sont au contraire un peu décevantes, à commencer par la plus connue d'entre elle, A la colonie pénitentiaire: un homme assiste à l'exécution d'un condamné au moyen d'une machine infernale qui marque littéralement l'homme avant de le tuer. Le processus de l'exécution est minutieusement décrit par le menu par le commandement du camp qui cherche tout au long du récit à justifier ce mode d'exécution auprès de ce visiteur qui ne peut adhérer au nom des principes d'humanité cette situation qui le révulse. On trouve dans ce récit certains des modes opératoires repris dans le Château ou dans le Procès, des situations absurdes à la limite du cauchemar. Mais ce qui fonctionne si bien dans ces romans n'opère plus dans cette nouvelle: la brièveté du récit couplé aux longues descriptions de la machine font rapidement perdre l'intérêt qu'on prête à la situation. Seule l'attitude du prisonnier et du garde, complices et interchangeant facilement leurs rôles de bourreau et de victime est source d'un étonnement constructif.
Le Verdict est beaucoup plus intéressante de mon point de vue. Elle reflète immanquablement les problèmes psychologiques lourds de Kafka et notamment l'état de faiblesse relative due aux conflits que Franz entretenait avec son père: un homme s'inquiète d'un ami établi à Saint-Pétersbourg dont il n'a plus de nouvelles. Alors qu'il s'ouvre de ses inquiétudes à son père, celui-ci le prend à parti et lui assène une série de reproches qui conduiront à la mort de cet homme. On touche ici à la véritable nature de l'oeuvre de Kafka, ambiance pesante dont on peut sentir les vieilles scories de culpabilité, les secrets qui ne s'expriment pas mais se manifestent au travers des symboles qu'il appartient au lecteur de déchiffrer: qui est cet ami? qui représente-t-il vraiment? pourquoi le père s'en prend-il à son fils pour un motif aussi futile? Un document intéressant qui nous apprend beaucoup sur Kafka, l'homme autant que l'écrivain.
Les deux autres nouvelles (considération, un médecin de campagne) sont des recueils de courts textes dont aucun ne m'a particulièrement marqué: collections de divers styles, textes parfois courts (quelques lignes), parfois s'approchant de la véritable nouvelle, ils se caractérisent comme le rappelle Bernard Lortholary par leur diversité dans le style et montrent combien Kafka explorait les genres et poussait son écritures dans différentes directions. On peut selon moi se passer de la lecture de ces deux textes.