Avenue des Géants
de Marc Dugain

critiqué par Gregory mion, le 24 mai 2012
( - 41 ans)


La note:  étoiles
Sur la Route, acte II.
À l’âge de quinze ans, Edmund Kemper, un grand escogriffe binoclard et prétendument surdoué, décide d’assassiner ses grands-parents. C’était en 1964 aux États-Unis. Ce double meurtre initiatique conduira Kemper à un parcours criminel parmi les plus scrutés dans le monde criminologique. Jamais condamné à mort grâce au jeu des rétractations ponctuelles et législatrices qui touchent le « capital punishment » aux États-Unis, Kemper est aujourd’hui un sexagénaire emprisonné à perpétuité à Vacaville (Californie) ; il est auréolé d’une réputation aussi légendaire que diabolique compte tenu de ses forfaits nécrophiles, de sa haute taille, de sa passion presque sexuée pour la décapitation des femmes et pour son intelligence que l’on situe à proximité de celle d’Einstein. Ce rapport sur les facultés intellectuelles de Kemper mériterait cependant d’être revu car les critères avérés de la « douance » excluent plusieurs formes de pathologies destructrices. De plus, la précocité intellectuelle implique une hypersensibilité complexe, ce qui n’a pas été franchement le cas de Kemper sauf à lui attribuer une vision de l’autonomie relativement plastique.
L’accumulation d’articles, de rumeurs, de rapports médicaux et policiers sur Kemper constituent indéniablement une base de données depuis laquelle des recoupements sont parvenus à établir un discours plus ou moins stable sur cette personnalité hors-norme. Il ne restait que la littérature pour « redire » la saturation de ces discours. Marc Dugain s’est donc attaqué à cette montagne peccamineuse nommée Mount Kemper. Fort heureusement, il n’a pas poursuivi une ligne narrative journalistique, c’est-à-dire qu’il n’a pas effectué l’exposition d’une lassante chronologie de la dépravation humaine centrée sur l’esprit de Kemper. On ne doit donc pas s’attendre à un roman sensationnaliste où des images désagréables précèdent l’explicitation du mal, voire sa banalisation tel qu’on aime à le dire maladroitement quand on manque d’arguments. Dugain n’ambitionne ainsi aucune rationalisation et d’ailleurs ce qu’il raconte relève davantage d’une photographie sociale que d’une expertise psychiatrique. L’essentiel du roman a lieu en Californie pendant la période des années 1960 et 1970, soit pendant le paroxysme d’un double conflit qui opposait l’Amérique au Vietnam et cette même Amérique à ses dissidents connus sous le nom de « hippies ». C’est donc à la fois un affrontement externe et interne, la preuve que les mouvements sociaux pris dans leur globalité ont plus à nous apprendre que l’épicentre d’un cheminement meurtrier dont l’envergure se limite à une réaction typiquement généalogique. À dire les choses clairement, la généalogie de Kemper, depuis ses ancêtres jusqu’au point d’aboutissement de ses crimes, constitue une focale potentielle pour interroger la généalogie d’une Amérique en train de questionner certains de ses modèles dominants. Du reste, la démarche généalogique qui passe d’un micro-événement à une dimension macrocosmique a été largement privilégiée par le cinéma d’horreur américain des années 1970. Si l’on prend un film emblématique comme The Texas Chainsaw Massacre, on s’aperçoit qu’il ne souhaite tomber dans aucun manichéisme, aucune séparation hasardeuse du point de vue des valeurs, pour la raison finalement assez simple que cette Amérique des années 1970 telle qu’elle se décrit dans le film de Tobe Hooper est une Amérique de victimes.

Marc Dugain, en écrivant et en hypertrophiant d’abord ne serait-ce que par la taille son personnage principal (Al Kenner, 2,20 mètres, alors que le « vrai » Kemper mesure 2,06 mètres), finit par changer le centre de gravité de son sujet, substituant la question de la vraisemblance individuée par celle du diagnostic collectif d’une époque marquée par certaines contradictions fondamentales. Par conséquent, les identités de Kemper et Kenner ne se reflètent pas avec le parallélisme d’un miroir, ce qui fait que les volitions proprement dites de Kenner appartiennent en général aux déductions littéraires de l’auteur, et ce bien qu’elles soient à notre goût tout à fait réussies, surtout dans la plupart des dialogues où Dugain fait montre d’une remarquable virtuosité. D’autre part, on ne dira rien de l’organisation spécifique du roman, fort astucieusement élaboré alors qu’il eût été si facile (et peut-être pardonnable) de s’empêtrer dans des considérations fallacieuses avec un être aussi protéiforme qu’Edmund Kemper. Mais Dugain n’est jamais tombé dans ces pièges pressentis, dans la complaisance de l’hémoglobine ou dans les sinuosités énigmatiques d’un tas de questions dont on attendrait des tas de réponses, c’est pourquoi son livre ne doit pas être confondu avec l’ergonomie d’un thriller ou d’un polar. Comme il est avéré que Kemper adorait prendre la route et tâter du bitume, il était normal de donner à ce livre un titre topographique et malicieusement polysémique – les lecteurs jugeront par eux-mêmes de ce choix d’intitulé à la fois efficace et pudique. Si bien qu’à reparler de sinuosités, on préfèrera dire que nous sommes ici en présence d’un superbe road-novel, ce qui n’est pas si mal quand on écoute les insipidités actuelles qui voudraient faire de Kerouac une sorte de précurseur du glamour cinématographique. Quitte à parler d’une attirance pour la route, relisons Kerouac dans le texte et visionnons Easy Rider, cela nous dispensera des commentaires imbéciles dont il faut à tout prix s’éloigner, au même titre que cela nous évitera de parler de Marc Dugain dans le sillage de ces épouvantables raccourcis. En outre, le « raccourci » est étranger à la route qui exerce son droit à la liberté ; préférons-y les détours et le comique des culs-de-sac.

En dernier lieu, donc, ce personnage littéraire d’Al Kenner, à l’instar des protagonistes « beat » représentatifs de la contre-culture, poursuit l’itinéraire difficile de la liberté. C’est qu’il y a un écart entre le désir de la liberté et les réalités qui déterminent ses conditions de possibilité. Dans Avenue des Géants, même si Kenner jette un œil méprisant sur le mouvement « hippie », il ne peut pas nier que prendre la route, pour lui, c’est équivalent à une forme de remontée vers les origines américaines de la liberté, exactement à la façon dont les « freaks » de la contre-culture exacerbent ce désir originaire d’égalité parfaite en taillant la route loin des centres urbains, loin des cellules familiales encroûtées. L’un poursuit une mise à l’heure des pendules familiales en enterrant ses grands-parents (méthode radicale qui peut se dispenser du temps long de la contre-culture), les autres rejettent le paradigme éducatif directement issu du sentiment de victoire consécutif à la Seconde Guerre Mondiale, interrogeant cette glorification devenue paradoxale tandis que le pays s’enfonce au Vietnam. Dugain est d’ailleurs magistral quand il aborde le thème de la désertion, dépeignant d’une gouache opportune le portrait « craché » de quelques déserteurs venus s’essayer à la contre-culture.
Par conséquent, on ne devrait en principe pas refermer ce livre en désirant vouer Kenner aux gémonies, Dugain n’ayant ni la trempe d’un auteur justicier, ni celle d’un absurde commentateur télévisuel. Kenner autant que les autres personnages, par l’intermédiaire d’une recherche similaire de la liberté, traduisent un état d’incubation inquiétant où commençait à s’insinuer la fragilisation du discours occidentaliste. Il n’est alors guère étonnant de voir émerger dans les années 1970 des films de zombies – c’est comme cela que Kenner semble juger les « hippies », sauf que ces portraits de l’errance ne faisaient que présager un état d’inertie sociale que l’esthétique du zombie avait à conquérir et que Dugain, dans son roman, restitue par le biais d’une chevauchée culturelle dont on devrait saluer la pertinence.
Edmund Kemper 9 étoiles

L'histoire du sérial killer américain Edmund Kemper romancée par Marc Dugain.
C'est mon premier livre de Marc Dugain et j'ai bien aimé.
Edmund Kemper machiavélique tueur qui sait se faire aimer et qui mène double vie.
Bien écrit, je n'ai pas été déçu par cette lecture et l'ai vite dévorée.

Free_s4 - Dans le Sud-Ouest - 50 ans - 27 février 2018


Froid dans le dos... 8 étoiles

Le début surprend... Un ado qui décide un jour de se débarrasser de ses grands parents, pensant d'ailleurs que la grand-mère est la grande responsable du mal être de son propre père... ça fait froid dans le dos.
La suite ne manque pas de piment non plus. On voit ce jeune homme grandir, toujours hanté par des angoisses certaines qui lui gâchent la vie, dans un environnement plus qu'hostile, avec une famille quasi-inexistante.

J'ai trouvé ce livre bien ficelé, apportant le doute au lecteur, et nombre de contradictions. On se prend au jeu, effectivement, de deviner la suite, sans trop y croire, ne pas avancer encore plus dans l'horreur et puis... Et puis le sang se glace quand on se surprend soudain à penser que cette histoire est en fait... réelle, et qu'autour de nous il puisse y avoir des individus de la sorte à qui l'on donnerait presque le Bon Dieu sans confession...

Vraiment, j'ai plongé dans ce livre et je ne le regrette pas.

Nathafi - SAINT-SOUPLET - 57 ans - 4 août 2015


A l'intérieur d'un serial killer... 8 étoiles

Marc Dugain a le talent de composer à partir de la réalité, à partir du fait divers. Cette fois, il s'est inspiré de la vie d'Edmund Kemper (né en 1948), tueur en série, accusé de 10 homicides dont celui de sa propre mère. Dans le roman, il s'appellera Al Kenner.
Au début du livre, on retrouve Al plutôt vers la fin de sa vie, en cellule, comme le vrai personnage l'est actuellement puisqu'après ses crimes, il a été condamné à perpétuité. On le découvre en compagnie de l'unique personne avec qui il communique, son unique lien avec la société, une femme nommée Susan qui semble fascinée par le personnage et lui apporte des livres à lire pour les aveugles. Personnage atypique, Al Kenner l'est absolument : il souffre d'hypermnésie (une suractivité du cerveau qui le plonge dans le passé) et est doté d'un QI supérieur à celui d'Einstein ; physiquement, c'est une masse, une armoire à glace de 2,20 m pour 130 kilos.De plus, c'est un homme qui n'a aucun désir et qui est traversé par ses mauvaises pensées qu'il ne peut refouler qu'en buvant excessivement.
Le 27 août 1964, armé d'une Winchester pour tirer les lapins, Al Kenner tue ses premières victimes: ses grands-parents. Etant incapable de produire le moindre acte violent, il est jugé irresponsable de ses actes et est interné en hôpital psychiatrique." Al Kenner a tué dans une impulsion irrépressible liée à une histoire familiale. Rien ne le prédispose à tuer en dehors de ce contexte, il n'en a ni l'envie ni le goût." C'est ce que déclare son psychiatre à une commission qui le remet en liberté après 5 ans d'internement.
Finalement, en lisant ce livre, on verra qu'il en sera autrement car Kenner récidivera. Qui tuera-t-il? comment ? où? ce n'est pas à proprement parler l'idée directrice de Marc Dugain car ce roman n'est pas le récit des crimes horribles d'Al Kenner (ou Kemper). L'auteur par contre va s'intéresser aux causes et aux "pourquoi?" de ces meurtres, s'immiscer dans la personnalité troublante du serial killer: son rapport avec sa mère est notamment particulièrement détaillé, son rapport avec les femmes, ses errances, son manque de confiance et la recherche d'un père absent et disparu, son impossibilité à intégrer une "institution" (ni l'armée, ni la police ne veulent de lui). Une analyse de tous les facteurs qui ont poussé Kenner à tuer de nombreuses femmes jusqu'à sa dernière victime: sa mère.
" La pensée du passage de la vie à la mort de cette jeune femme s'est mise à m'obséder comme s'il s'agissait de la seule énigme qui eût valu quelque chose sur terre.(...) Je ne pouvais détacher mes yeux de son visage. Ce qui me frappait était moins qu'elle fut morte que le caractère irréversible de cette mort et donc la puissance de celui qui l'avait provoquée."
En plus d'être un roman d'analyse et/ou de psychanalyse, le roman qui se déroule pendant le mouvement hippie aborde largement le thème du rejet de la société américaine après la guerre du Vietnam. Marc Dugain décrit les traumatismes et les mouvements de la jeunesse de l'époque.
Un vrai bon livre, à mi-chemin entre la réalité et la fiction, le reportage et l'inventif, j'ai aimé la façon d'entrer dans la personnalité de cet homme qui est toutefois un monstre mais n'est finalement jamais montré comme tel. On sent vraiment l'empathie (mot souvent écrit dans le roman) de Marc Dugain pour son héros. et la fin du livre en est bien la preuve..

- Mais qu'est-ce qui se passe?
- Il ne se passe rien. J'ai décidé de vous emmener où je veux.
- Vous plaisantez, non ? Qu'est-ce que vous voulez? Nous violer? Nous tuer?
- Les deux. Mais pas dans cet ordre-là...Mais non...je plaisante.

Laugo2 - Paris - 58 ans - 24 novembre 2014


Un personnage hors norme 8 étoiles

En lisant ce livre, je m’attendais à suivre le parcours d’un serial killer semant les cadavres sur son passage mais ce n’est pas tout à fait ce que j’ai découvert. Pourtant, dès le départ on est fixé. Al Kenner est bel et bien en prison et c’est son histoire qui nous est racontée. Tout au long du livre, on mesure la souffrance de ce jeune homme très intelligent au physique hors normes mais complètement dominé par ses démons intérieurs. Marc Dugain arrive avec brio à nous faire ressentir cette colère lourde et destructrice qui peut le submerger à tout moment. À chaque instant on redoute le moment où ce géant torturé sortira de ses gonds et commettra l’irréparable. Nul doute que cela arrivera ! La question étant de savoir quand ? Le bouquin tient là-dessus. Une tension, un drame inévitable qui doit se produire inexorablement. Mais ce roman c’est avant tout un personnage étrange que l’auteur arrive à rendre très humain malgré sa monstruosité. Un bon thriller psychologique.

Kabuto - Craponne - 64 ans - 3 novembre 2014


Que de glauque. 5 étoiles

Il y a bien de l'analyse psychologique, voire "criminologique", que de glauque, dans ce roman sur la route de ce criminel hors normes, dans tous les sens du terme. Il n'est pas dénué d'intérêt, mais je l'ai trouvé tellement empreint de glauque que j'ai eu du mal à le finir. Il contient des moments de grâce, et beaucoup où on touche le fond, sans beaucoup de lueurs d'espoir, bien que le protagoniste s'avère assez optimiste et qu'il se montre actif dans la volonté de se réinsérer.
Je devrais probablement le relire. Là, c'est mal passé. Je suis navré d'apporter cette touche discordante après tant d'appréciations louangeuses.

Veneziano - Paris - 46 ans - 1 octobre 2014


Histoire romancée d'un tueur américain. 8 étoiles

Ecriture efficace , légère qui nous tient en haleine jusqu'à la fin..

Chapitre31 - TOULOUSE - 55 ans - 27 août 2014


Un bon cru 8 étoiles

Quasiment tous les livres de Marc Dugain sont passés entre mes mains.
C’est pourquoi, je peux affirmer que, selon mes critères, « Avenue des Géant » est un très bon Dugain.
Les cent cinquante pages qui correspondent à l’assassinat des grands-parents, à l’étude du profil d’Al Kemper, à son placement dans un hôpital psychiatrique, et aux entretiens avec son psychiatre, sont tout simplement fabuleuses. L’entrée en matière est excellente, prenante, et captivante. L’écriture est moderne, le ton juste et implacable. C’est véritablement une réussite en tout point de vue.
Passé la cent cinquième page, la sortie de l’hôpital psychiatrique d’Al Kemper, sa réinsertion dans la société, le retour chez sa mère, la recherche d’un boulot, ses tentatives pour intégrer la police… sont, selon mon sentiment, un niveau en dessous. En effet, une lassitude s’installe. L’ennui pointe. Le roman n’en finit plus. On a envie de passer à autre chose. On lorgne sur le prochain livre qu’on lira après. Ça traîne en longueur, ça s’étire… Du remplissage parfois et l’utilisation exagérée de figure de style comme l’anadiplose.
Puis soudain arrivent les cinquante dernières pages et là la dynamique reprend, le texte vous prend à la gorge et ne vous lâche plus. Contrairement à Septularisen, j’ai trouvé cette fin géniale car elle donne son sens à l’ensemble du récit.

Chene - Tours - 54 ans - 27 juillet 2014


TRÈS BELLE INTROSPECTION !... 8 étoiles

Je ne reviendrai pas ici sur l’histoire du livre amplement décrite dans les critiques précédentes.

Je dois avouer que M. DUGAIN se livre ici à un très bel exercice d’introspection, il observe le tueur, il se met littéralement à la place du tueur, il est le tueur !... La psychologie et l’évolution psychologique du tueur y sont décrites de manière hallucinante et avec une minutie qui frôle le rapport chirurgical !...

Tout y est. Depuis la jeunesse perdue de Al Kenner (Edmund KEMPER de son vrai nom…), à sa vie dissolue et alcoolisée, jusqu’à la fin paroxystique et suicidaire après avoir commis l’irréparable !...
Le tout dans un langage simple, aéré, facilement accessible à tous, le livre d’un style léger et plaisant, se lit en quelques heures.

Un seul bémol toutefois, qui justifie ici que je ne donne pas la note maximum, la fin de l’histoire beaucoup trop abrupte, trop rapide, et trop bâclée !... Alors que l’auteur avait pris soin tout au long de son livre de suivre pas à pas le cheminement et l’évolution psychologique du tueur, il bâcle la fin et l’épisode le plus important de l’histoire en une vingtaine de pages, brûlant les étapes, passant les détails, sautant certains faits, ne décrivant pas tout, rendant même parfois certains moments de l’histoire incompréhensibles ! Un comble !

Au final un très bon livre, à lire pour tous et en particulier pour ceux que le sujet des "Serial Killers" intéresse, mais en faisant toutefois abstraction de la fin !...

Septularisen - - - ans - 26 février 2014


I'm so glad 8 étoiles

Tout d'abord bravo à Gregory Mion pour sa critique

Raconter à la première personne , l'histoire (romancée) d'un tueur en série américain est un exercice de style particulier.
Marc Dugain a su éviter les pièges du pathos lorsqu'il se penche sur les relations d'Al et de sa mère, et ne tombe pas dans le piège de l'empathie tout en réussissant à donner de l'humanité à son personnage.
Construit comme un roman noir , Avenue des géants est une aventure très agréable dans l’Amérique qui vient juste de découvrir qu'on pouvait assassiner son président. Avec en fond sonore Skip James et le bruit d'un V-Twin Harley...

Un "faites entrer l'accusé"....en beaucoup mieux !

Ndeprez - - 48 ans - 16 décembre 2013


Mal de mère 6 étoiles

Al Kenner est un homme étrange. Emprisonné depuis presque 50 ans, il reçoit comme unique visite, Susan, qui lui apporte des livres, qu'il enregistre pour des aveugles. C'est aussi un homme hors du commun: 2,20 m à 16 ans font déjà de lui, un être un peu à part. Abandonné, humilié, rejeté par sa mère puis quelques années plus tard par son père, il se retrouve chez ses grands-parents paternels qu'il assassine à l'âge de 16 ans. Son âge lui vaudra d'éviter la prison et de se retrouver en établissement psychiatrique où sa rencontre avec un psychiatre passionné en la personne du docteur Leitner et son QI supérieur à celui d'Einstein lui permettront de retrouver une liberté conditionnelle assez rapidement.
"Al Kenner a tué dans une impulsion irrésistible liée à une histoire familiale. Rien ne le prédispose à tuer en dehors de ce contexte, il n'en a ni l'envie, ni le goût."
La suite prouvera, s'il le fallait, l'aléatoire des jugements psychiatriques.
"Pour la première fois je doutais de lui (du psychiatre). Pas dans ses capacités à faire table rase. Mais à reconstruire quelque chose qui me tienne en vie toutes ces années qui me séparaient de la mort."

On suit son errance de petits boulots en petits boulots, de rencontres avec des "freaks", de policiers, de face à face douloureux avec son alcoolique de mère; le suspense monte très lentement, en même temps que la découverte de son enfance .
À la manière de road-movie américain auquel ce livre m'a immédiatement fait penser; peut-être la traversée d'états mythiques comme le Montana ou la Californie ainsi que les errances du héros.

Mais l'art de M. Dugain est de donner une réelle épaisseur au personnage, et de ménager un suspense jusqu'aux pages finales que l'on pressent sans oser y croire.

J'ai lu ce livre presque par hasard; coup de coeur de la bibliothécaire et excellent souvenir de "La chambre des officiers". Comme à mon habitude, je n'avais pas lu ni la quatrième de couverture, ni les critiques sur CL. Alors, forcément un grand choc à la découverte que ce personnage a réellement existé, puis des surprises de voir que deux titres que j'envisageais étaient déjà pris, que Grégory mion avait déjà écrit une formidable et complète Critique principale.
Je me retrouve donc à partager mes réflexions sur le manque d'empathie, sur le road-movie.
Je retiendrai de cette lecture , d'abord un certain ennui, la première moitié m'a paru longue; puis, quand il se met à fréquenter les policiers, le rythme s'accélère. Je retiendrai aussi des phrases chocs, un excellent sens de la formule:
"Le sentiment que la vie vous a quitté de votre vivant est l'expression de la solitude absolue."
"Pour moi, les gens ne sont obsédés à ranger les objets que s'ils ne parviennent pas à mettre de l'ordre dans leur tête."
"La liberté ne me conviendrait pas mieux que la détention. Comme la vie ne me convient pas mieux que la mort."

Marvic - Normandie - 66 ans - 21 octobre 2013


Co-Ed 8 étoiles

Jamais lu Marc Dugain même si je connaissais de nom, peut-être que je ne relirai plus jamais rien de lui mais ce livre ne m'a pas déplu. Tout d'abord je l'ai plutôt écouté en cd audio, je ne voulais tellement le lire (trop cher, pas assez épais) mais me le faire conter okay. J'ai pas mal lu sur les tueurs en série, et Edmund Kemper en est un qui m'a pas mal intrigué.
J'ai été un peu déstabilisée par le fait que Marc Dugain ne fait aucun passage quand il tue ses victimes (moi j'ai l'habitude du gore ;)) sa relation avec sa mère est bien retranscrite, une maman tyrannique et castratrice, et tout le monde sait que les tueurs en série ont un problème avec leurs mômans hi hi. Un père absent, on sent qu'après l'assassinat de ses grands-parents (franchement il essaie de nous leurrer avec sa pseudo empathie, les tueurs en série ne savent pas ce que c'est) le psy qu'il va voir aurait pu l'aider. Quant on y pense quelle vie il a vécue : une famille bien bancale, un pays qui se cherche (j'ai bien aimé aller chez les hippies et comment sont décrites les mentalités après cette Seconde Guerre Mondiale). La fin est très révélatrice de la manipulation dont fait preuve Al Kenner. Le dernier chapitre m'a bien fait rigoler (même s'il ne le fallait pas ;))

Marlène - Tours - 47 ans - 8 octobre 2013


Manque total d’empathie 6 étoiles

Il est assez difficile de parler de ce livre qui laisse un sentiment de sidération. On pense à du cynisme mais cela implique une certaine conscience qui n’existe pas dans le comportement du personnage principal. Le récit est écrit du point de vue du narrateur que l’on est heureux de ne pas rencontrer. Il est écrit de façon clinique, sans émotion avec peu de dialogue et sur le mode de la description.

L’aspect psychologique et les soins psychiatriques qui pouvaient être donnés sont caractéristiques de l’époque des années 60. C’est aussi la vague hippie avec des essais de vie en autarcie et d’amour sans possession de la part de jeunes dont les parents ont de confortables revenus, qu’il nous montre sous un œil un peu dédaigneux.

Selon les dires de l’auteur, le livre retrace, une histoire vraie qu’il a voulu romancer après avoir vu un documentaire. Il commence à l’adolescence d’un jeune américain au QI supérieur, le jour de l’assassinat de John Kennedy, même si des retours en arrière visent à expliquer sa façon de se comporter, et se poursuit jusqu’à sa soixantaine.

IF-0113-4005

Isad - - - ans - 9 février 2013


Comprendre, est-ce excuser ? 7 étoiles

Après une critique principale aussi érudite et fouillée,y ajouter quoi que ce soit fait prendre le risque de paraître niais et sans intérêt .
Je me contenterai donc de donner pour ce livre mon impression générale sans entrer dans une analyse de spécialiste.
Je l'ai acheté sans savoir de quoi il parlait, juste sur les conseils (souvent avisés) de mon libraire .
Je l'ai donc abordé sans a priori, même si je connaissais l'existence de ce criminel et avais une vague idée de son parcours.
Je l'ai lu avec plaisir dans un premier temps car l'écriture est fluide, pertinente, souvent fine et suggestive alors que le sujet est un personnage écrasant tant au plan psychologique qu'au plan physique. L'auteur propose une construction intéressante et domine bien un exercice qui aurait vite pu devenir indigeste, sordide ou technique.

Pourtant, vers le milieu du livre, de nombreuses longueurs m'ont ennuyée et j'ai eu envie de le poser , le personnage étant très prévisible, froidement psychorigide et bien évidemment pas très attachant, même si de la confrontation de ce fils mal aimé avec son indigne mère, naît souvent la compassion du lecteur.

La dernière partie est arrivée un peu comme une délivrance , accompagné d'un sentiment de malaise à l'approche de la révélation des actes criminels qui sous-tendent l'ensemble du roman. Bref, c'est au moment de le refermer que je me suis sentie réellement soulagée, heureuse d'avoir quitté ces rives bourbeuses et d'avoir regagné la terre ferme.

Papyrus - Montperreux - 64 ans - 30 juin 2012


Chacun sa route... 10 étoiles

Grâce à une écriture sans fioriture mais réellement efficace, Marc Dugain a créé un véritable page-turner. Sans suspense mais avec une fraîcheur affranchie d'émotion, il m'a procuré un très grand plaisir de lecture.
Malgré le thème abordé, je me suis laissé guider dans la tête de Al Kenner: On le suit dans ce raisonnement qui lui est propre, on subit son absence de sentiments, ses nombreux préjugés, mais on se laisse conduire sans se débattre sur la route de sa liberté. Marc Dugain fait le portrait d'un homme hors normes et dangereux, dont la capacité mentale supérieure lui permet de mentir au monde et aussi finalement de se mentir à lui même. Il n'a pas conscience de sa vraie nature, son intelligence le conforte dans ses choix et en définitive lui voile la réalité.
Marc Dugain ne tombe pas dans les travers du sujet et évite donc de nous proposer une version journalistique ou une version glauque de l'affaire, pour nous plonger sans jugement dans la quête d'affranchissement d'un esprit perturbé au milieu de l'amérique libérée et libertine des années 60.

Killing79 - Chamalieres - 45 ans - 9 juin 2012


L'horreur... 6 étoiles

La critique principale résume bien l'intrigue de l'ouvrage. Pour ma part j'y ai surtout vu une exploitation du sordide qui transforme le lecteur en voyeur. N'étant pas un grand amateur de faits divers, j'ai modérément apprécié cet étalage complaisant des états d'âme du tueur qui ne veut surtout pas qu'on le prenne pour un fou et accumule à cet effet les démonstrations de psychologie de pacotille.

La question que l'on doit se poser, c'est pourquoi Marc Dugain, un écrivain "sérieux" a éprouvé le besoin de s'inspirer d'un tel fait divers pour son roman. N'a-t-il pas suffisament d'imagination pour nous concocter une intrigue originale ? Les descriptions de la Californie me paraissent approximatives et répétitives. Quant aux "hippies" des années 60, ils semblent très convenus... Contrairement à la 4ème de couverture, il ne s'agit pas d'un "hymne aux mouvements hippies"...heureusement !

Dugain peut mieux faire, espérons-le !

Tanneguy - Paris - 85 ans - 6 juin 2012