Antimanuel de médecine : IRM du monde médical
de Jean-Paul Escande

critiqué par Elya, le 21 mai 2012
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
Un gag
C'est la première fois que je lis un livre de cette collection "Antimanuel" chez Bréal. L'idée est de sortir des discours entendus et des idées reçues sur des thèmes d'actualité ou sujets à polémique ; ici, ce sera celui de la médecine. J'aime beaucoup l'idée de cette collection, et aussi la mise en page, assez ludique, tout en couleur, avec de jolies photographies illustrant les propos. Mais le contenu textuel n'a pas été du tout à la hauteur.

Déjà dans la forme, on ne s'y retrouve pas. Impossible de trouver un fil conducteur. L'auteur s'adresse à nous en nous apostrophant, invente à outrance des noms de lieux pour nous inviter à le suivre dans son "Médico tour", mais ça ne tient pas la route. Après chaque chapitre, il intercale des textes issus de la littérature française ou bien d'essais, datés du 16 ème siècle à nos jours, censés illustrer ses propos. L'idée est agréable, les extraits à découvrir sont bien choisis, mais on ne comprend pas trop ce qu'ils font là. A la limite, un simple recueil de ces textes aurait suffi.

Le but de l'auteur n'est pas très clairement défini, mais il me semble qu'il s'agit de faire le point sur ce qu'est la médecine aujourd'hui, dans ses dimensions économiques, éthiques, juridiques et sociétales. Il s'agira bien sûr de souligner ses faiblesses (formation, conflits d'intérêt...). L'auteur n'hésite pas à nous livrer quelques phrases un peu démagogiques « la médecine se mettra au service de l’homme et non plus des données chiffres qu’on extirpe des corps souffrants » - n'oublions pas que l'idée de la collection et de sortir des discours entendus ; ici, on s'y enlise... -, insistant sans relâche sur cette médecine qui n'est plus "humaine" ; tout était mieux avant. La technique aliène les esprits, "les élites" médicales ne sont plus que de simples techniciens. En plus, l'économie médicale prend de plus en plus de place dans le budget économique global.
JP Estrande ne s'appuie que très rarement sur des faits objectivés, et c'est là le pire je crois. Au mieux, il s'appuie sur des références culturelles, mais jamais sur des résultats d'enquêtes ou de sondage, même quand il s'agit de dire ce que pense l'usager.

Il y a quand même quelques passages intéressants (encore heureux en 400 pages), notamment lorsqu'il regrette que les étudiants en médecine entendent peu parler des "médecines différentes" et de l'effet placebo dans leur cursus, ce qui peut laisser le champs libre au charlatanisme. Il souligne aussi le déclin de la recherche biomédicale, encore une fois sans s'appuyer sur des faits concrets ; P Even dans La recherche biomédicale en danger s'était beaucoup mieux penché sur cela.

Les 50 dernières pages, bien qu'entourées de charabia inutile et sans queue ni tête, à la façon d'une pièce de théâtre, tentent de trouver des solutions pour retrouver une médecine plus "humaniste" et moins chère. Et là, c'est le clou final.
L'instauration d'une hospitalisation à l'heure, programmée à l'avance, où les patients resteraient entre 1 et 10 heures, est la clé de tous les problèmes. Si l'on instaure cela, tout ira mieux (meilleur formation médicale, économie, contrôle des épidémies/ de la vieillesse de la population, j'en passe et des meilleures). Vous ne serez pas surpris si je vous dis qu'on ne sait pas d'où sort cette idée, si l’hospitalisation existe déjà dans d'autres pays, si ça marche bien...
L'auteur insiste aussi sur l'intérêt de rendre l'usager plus impliqué dans ses soins, plus responsable (c'est le rôle de l'éducation thérapeutique qui se développe depuis déjà plus de 10 ans, le livre datant de 2006...).

Cet ouvrage est un véritable gag, jusqu'à la dernière page d'ailleurs je m'attendais à le voir écrit quelque part. Mais non, l'auteur semble bien sérieux. Je ne sais pas si j'oserai me tourner vers d'autres livres de cette collection, qui m'attirait initialement.