W, ou, Le souvenir d'enfance
de Georges Perec

critiqué par Lucien, le 6 octobre 2002
( - 69 ans)


La note:  étoiles
« L'Histoire avec sa grande hache »...
Le livre le plus émouvant de Georges Perec, sans aucun doute. L'un de ses chefs-d'œuvre, aussi. Au même titre que «La Vie mode d’emploi» ou «Un cabinet d'amateur».
Une parfaite machinerie narrative mise au service de la mémoire.
Ecoutons Georges Perec : «Il y a dans ce livre deux textes simplement alternés ; il pourrait presque sembler qu’ils n’ont rien en commun, mais ils sont pourtant inextricablement enchevêtrés, comme si aucun des deux ne pouvait exister seul, comme si de leur rencontre seule, de cette lumière lointaine qu’ils jettent l’un sur l'autre, pouvait se révéler ce qui n’est jamais tout à fait dit dans l’un, jamais tout à fait dit dans l’autre, mais seulement dans leur fragile intersection.» On l’aura compris : la «fragile intersection», la synthèse, la résultante, la «rencontre», c’est le lecteur. Nous serons le lieu de cette osmose, de cet échange, le creuset de cette alchimie entre dit et non-dit, entre indicible et «dicible» (le mot n'existe pas, tant pis !), entre fiction et vécu, entre la présence et l’absence. Un chapitre sur deux, dans une stricte alternance : «W», récit imaginaire, en italiques, qui part sur un naufrage et une disparition (le naufrage du «Sylvandre» au large de la Terre de Feu, la disparition d’un enfant, Gaspard Winckler) pour déboucher, après trois points de suspension qui jouent le rôle des trois coups du théâtre, sur la description d’une île, au large de la Terre de Feu, une île régie par les lois de l’idéal olympique, une île qui s'appellerait W et qui aurait été imaginée par Perec au sortir de l'enfance ; et puis, «le souvenir d'enfance», récit de vie, en caractères romains, récit là aussi coupé en deux par les points de suspension - avant la disparition, après la disparition -, récit sec, neutre, objectif peu à peu tiré de l’oubli, comme à contrecoeur : « Je n'ai pas de souvenirs d'enfance. » « Les souvenirs sont des morceaux de vie arrachés au vide. » «C’est cela que je dis, c'est cela que j’écris et c'est cela seulement qui se trouve dans les mots que je trace, et dans les lignes que ces mots dessinent, et dans les blancs que laisse apparaître l’intervalle entre ces lignes […], je ne retrouverai jamais, dans mon ressassement même, que l'ultime reflet d'une parole absente à l’écriture, le scandale de leur silence et de mon silence : je n’écris pas pour dire que je ne dirai rien, je n'écris pas pour dire que je n’ai rien à dire. J’écris : j’écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j’ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps auprès de leur corps ; j'écris parce qu’ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l’écriture ; l'écriture est le souvenir de leur mort et l’affirmation de ma vie.» Faut-il ajouter quelque chose ? Sinon que le premier roman imaginé par Perec aurait raconté l’histoire de Gaspard Winckler ; Winckler, initiale W, que l'on retrouve dans «La Vie mode d'emploi» : «son unique soeur était morte en 1942. Son neveu avait été tué en mai 1944.» Déguisement ? A peine : le père de Perec est tué en 1940, sa mère déportée vers Auschwitz en 1943. Perec aura la pudeur d'inscrire dans la dédicace de W : «Pour E». «E» pour «eux» ; les disparus, comme l'E disparu de «La disparition». A-t-il pensé en créant ce personnage de Gaspard Winckler, en se créant ce double ; a-t-il pensé, Georges Perec, au Gaspard Hauser de Verlaine ? «Je suis venu, calme orphelin, Riche de mes seuls yeux tranquilles, Vers les hommes des grandes villes : Ils ne m’ont pas trouvé malin.»
« W ou le souvenir d'enfance » : très très loin des démarches ludiques auxquelles on cantonne trop souvent Georges Perec, une oeuvre dense, pleine, riche, émouvante. Des mots sur du vide, comme un fragile pansement à l’âme…
Pas convaincu 6 étoiles

Hmmm…
Je l’ai lu, j’ai apprécié l’écriture, d’un côté le récit autobiographique, de l’autre la dystopie sportive de W qui nous est progressivement dévoilée dans une lente descente aux enfers.
En dépit des différentes critiques et analyses que j’ai pu lire, je n’ai absolument pas réussi à me convaincre que ces deux récits « sont inextricablement enchevêtrés » ni à être séduit par une quelconque symbolique du X et du W. Je mets prudemment un 3 sur 5…

Romur - Viroflay - 51 ans - 20 mars 2018


Passé à côté ? 1 étoiles

Ayant décidé de me lancer dans la lecture de Perec, je pensais me lancer dans une lecture dense, exigeante et intéressante.
J'avoue que je n'ai pas du tout aimé ce livre. Je n'y ai rien trouvé d'intéressant. Il faudra peut être que je me risque dans un autre ouvrage mais "W ou le souvenir d'enfance" m'a refroidi quelque peu. Très déçu.

Vinmont - - 50 ans - 27 novembre 2015


Une vraie densité autobiographique 8 étoiles

Ce que j'ai aimé dans ce livre, c'est la démarche tout à fait authentique de l'auteur.

Il raconte ce qu'il sait ou ce qu'il croit savoir de son enfance, n'hésite pas à avouer au lecteur que ses souvenirs sont flous, peut être transformés, et dans certains cas ne sont même pas les siens.

Le récit W, qu'il aurait écrit à l'âge de 12 ans (quelle maturité si c'est effectivement le cas ! je ne peux m'empêcher de penser que l'histoire est intacte mais qu'il l'a entièrement réécrite bien plus tard), est une plongée lente et insidieuse dans l'horreur d'une dictature qui cherche sa justification dans la poursuite de l'idéal olympique.

J'ai été particulièrement touchée par les passages où Georges Perec parvient à retrouver, dans ses souvenirs d'enfance, l'origine de certaines de ses petites manies actuelles ou de ses croyances (sa définition erronée du mot "frimas" ou son habitude de compter les repères le long des voies ferrées par exemple).

Un ensemble que j'ai trouvé simple et sans faux-semblant.

Lu7 - Amiens - 38 ans - 30 janvier 2012


Intéressant... 8 étoiles

J'ai apprécié cette alternance entre les chapitres consacrés aux (maigres) souvenirs de l'enfance (malheureuse) de George Perec et les chapitres consacrés à l'histoire de W.

Effectivement les 2 récits se rejoignent à la fin et constituent une puissante dénonciation des totalitarismes en général et plus particulièrement du nazisme.

Les "..." du milieux transcrivent pudiquement la perte de la mère en camps de concentration (pour les souvenirs d'enfance) et la perte d'identité (pour le récit de W) puisque dans ce dernier on passe de l'histoire de personnages à l'histoire d'une "civilisation" totalitaire où l'individu n'existe plus.

JEANLEBLEU - Orange - 56 ans - 14 janvier 2012


3 étoiles! 6 étoiles

W ou le souvenir d'enfance est un roman auto-biographique écrit par Georges Pérec. L'auteur alterne deux parties qui paraissent opposées mais qui sont en fait liées. Le premier texte est une sorte de récit d'aventure, tandis que l'autre est autobiographique, le récit fragmentaire de l'enfance de Perec. La construction narrative, particulière, déroute parfois. Quant au style de l'auteur, non-conventionnel, avec de longues phrases où les répétitions abondent, il est de bonne tenue. Les deux récits sont prenant de manière aléatoire mais le premier récit fictif a plus d'intérêt et est plus riche dans le fond. Toute la partie autobiographique est moyenne, sans plus étant trop allusive, implicite. W ou le souvenir d'enfance est donc un livre tout à fait correct, pertinent dans le fond, légèrement hermétique et surestimé. A lire tout de même.

Js75 - - 41 ans - 2 juin 2011


Un Perec à part 7 étoiles

Perec est un des auteurs majeurs français, mais comme Vian, Jarry, Queneau, il appartient à la race des excentriques qui n'écrivent pas comme les autres. Perec aime le jeu et ses livres ont souvent beaucoup d'humour. Mais ici, si le jeu reste présent dans la construction du livre, on sourit peu. C'est un livre grave touchant à la douleur intime de l'auteur.
Il me semble indispensable de lire W, pour mieux apprécier l'oeuvre de Monsieur Perec.

Yeaker - Blace (69) - 51 ans - 29 décembre 2010


Grandiose 10 étoiles

Brillant, émouvant, mémorable. Une structure complexe pour des sentiments complexes...

Hierocles - - 45 ans - 21 mars 2008


exercice de style 8 étoiles

Ce livre est un livre alternant un récit autobiographique de la vie de Georges Perec, juif d'origine polonaise, et l'histoire, qui semble au premier abord totalement éloignée de l'autobiographie, d'une ile isolée qui se trouve régie par le sport et la performance sportive.

Au départ , on se demande vraiment pourquoi ces deux récits sont enchâssés, rien ne semble les lier. Et petit à petit, imperceptiblement on finit par comprendre que le récit imaginaire de l'ile est étroitement lié au récit autobiographique. Et d'un coup, on comprends la place et le rôle de cette ile dans l'esprit de l'auteur.

Oh, il n'est pas besoin d'être extralucide pour comprendre le rapport entre les deux récits tant les ressemblances se font jour au fil de la lecture.

Encore un bel exercice de style pour cet "enfant " de Queneau qui s'amuse à nous dérouter et à nous emmener là ou il le désire.

Face à ce surprenant livre à la forme déroutante, je suis enclin à approfondir son oeuvre et à lire entr'autre "la disparition " et " la vie mode d'emploi"

Soili - - 51 ans - 28 mai 2007


bizarre... 2 étoiles

moi je n'ai rien compris du tout au livre, même après l'avoir relu trois fois il reste toujours plein de mystères...

Gatte - - 34 ans - 11 juin 2005


émouvant et inattendu... 10 étoiles

Une construction très particulière de 2 récits en 1. Celui d'un homme qui ne se souvient plus de son passé, dont il possède seulement quelques bribes et celui d'une ile W, qui vit sous le "dogme" du sport... (récit que Perec aurait écrit pendant son adolescence.)
Une fin émouvante où l'on découvre finalement que la fiction était étroitement liée à la réalité.
Une fois de plus, Perec dévoile son jeu d'écriture magnifique!

Dedel - - 35 ans - 19 avril 2005


le vrai but de l'auteur 10 étoiles

J'ai lu vos critiques et elles me paraissent incomplètes, c'est pour cela que je me permets de rajouter quelques informations nécessaires à la compréhension de l'oeuvre. Nous savons que George PEREC est le fils de parents déportés juifs polonais... les chapitres de fiction ne sont autre que la transposition de l'horreur qu'ont vécu les victimes du régime nazi. C'est cela qui rend l'autobiographie de la fiction "inséparable"... Gaspard Winckler est un enfant autiste... G.P. l'est aussi en quelque sorte, privé de tout souvenir, à la recherche de son enfance perdue, c'est sa propre descente aux enfers qu'il retranscrit ici. Il recherche son histoire par le véhicule de l'écriture... Mais les (...) entre les deux parties sont présents afin de matérialiser la disparition de sa mère. Ce n'est rien d'autre....

Mounira - - 37 ans - 19 janvier 2005


Spécial 8 étoiles

Sur toutes les oeuvres autobiographique que j'ai pu lire (et il n'y en a pas beaucoup), W ou le souvenir d'enfance est celle que j'ai trouvé la plus spéciale car à l'intérieur on ne trouve pas seulement l'autobiographie de Georges Pérec mais également une histoire nommé "W" que l'auteur a écrit vers 12-13 ans. Ceci constitue l'alternance des chapitre tout au long de l'oeuvre cependant une fois que l'on a passé les [...] l'histoire de W perd tout son interêt car elle ne devient qu'une suite de descriptions.

Chouxfleur11 - - 36 ans - 8 novembre 2004


L'anti-autobiographique 9 étoiles

Pas d'accord avec Miriandel : Perec n'est jamais dans le pathétique, la complainte ou ce qu'il a appelé "les querelles du papa-maman zizi-panpan". Il est moins question de faire d'une communauté de lecture un psychanalyste tentaculaire que de permettre, pour chaque lecteur, de s'interroger sur la fonction constitutive de l'identité que propose le - et tout- livre : pour l'écrivain certes (ce que vous appelez ce "revers de la main au front" peut-être...) mais surtout pour le lecteur, sans cesse dépris-repris par W.

Pé-Ré-Shu - - 45 ans - 27 octobre 2004


Un peu lourd, peut-être ? 1 étoiles

Je me ferai l'avocat du diable, car ce livre m'est tombé des mains. Sans doute le livre contient-il beaucoup de belles choses, mais il est fort lent, et d'un style qui m'a vite lassé.
Lucien cite : "je n’écris pas pour dire que je ne dirai rien, je n'écris pas pour dire que je n’ai rien à dire" et a bien raison de citer cette phrase qui illustre parfaitement pourquoi ce livre ne concerne pas tous les publics. Si certains aiment à se porter le revers de la main au front et disserter sur l'insoutenable, l'indicible, le pathétique, et, d'une manière générale, utiliser le public comme un psychanalyste tentaculaire, c'est leur affaire. Et je me réjouis pour ceux qui trouvent leur compte à ce type de lecture.
Que représentent les étoiles ? La valeur absolue d'une oeuvre, ou le plaisir que le lecteur goûte à sa lecture ?

Miriandel - Paris - 63 ans - 10 septembre 2004


pas mal du tout 7 étoiles

quand je l'avais lu, je me souviens que je l'avais trouvé intéressant.

Norway - Entre le Rhin, la Méditerranée et les Alpes ! - 49 ans - 10 septembre 2004