Mahler, la symphonie-monde
de Christian Wasselin

critiqué par Chene, le 28 avril 2012
(Tours - 54 ans)


La note:  étoiles
Mahler, ce Dieu
Gustav Mahler nous a quittés en 1911 nous laissant en héritage une musique immense, magnifique et intemporelle.
L’Europe était alors à son apogée avant de s’auto-détruire. Vienne connaissait un grand nombre d’artistes et de scientifiques de premier ordre : Klimt, Freud, Robert Musil, Stefan Zweig, Schönberg etc…C’était la capitale d’un immense Empire Austro-Hongrois, riche de ses diversités culturelles et de langues.
Le XXe siècle changera tout cela. Les nations européennes les plus avancées vont se suicider les unes avec les autres.
Avant les désastres, Vienne avait Mahler, directeur de l’Opéra de Vienne (pour obtenir le poste il avait dû se convertir au catholicisme) puis chef d’orchestre du Metropolitan de New York et grand compositeur devant l’univers.
Cette biographie assez courte permet de découvrir ce que fut la vie et la trajectoire de Mahler. Certes, Il existe aussi une biographie, plus longue en trois volumes de Henry Louis de la Grange. Mais celle de Christian Wasselin suffira pour ceux qui veulent en savoir plus sans pour autant devenir des spécialistes.
Mahler écrivait ses chefs-d’œuvre dans une cabane, en retrait de tout. Sa culture qui inspira ses œuvres était profondément germanique mais aussi juive.
On ressent dans la 9e symphonie, ce que fut pour lui la perte de sa fille « Maria » à 6 ans. Lui-même de santé fragile décédera à l’âge de 51 ans et sera inhumé à côté d’elle, sa fille, son « seul amour » ? (Son mariage battait de l’aile). Cette biographie est illustrée de photos de Mahler, de sa famille et de son entourage. J’ai notamment appris dans cet ouvrage qu'il existait une médiathèque musicale Mahler à Paris dans le 8e arrondissement, 11 rue de Vézelay. Cette biographie contient l’ensemble de la bibliographie, la discographie et la filmographie de Mahler. Je la recommande pour tous ceux qui admirent comme moi cet immense compositeur et pour ceux qui ne connaissent pas, commencez par la 6e symphonie. Elle vous accrochera tout de suite et ne vous quittera plus.
Un très bon aperçu 8 étoiles

Dans la bibliographie consacrée à Gustav Mahler, cet ouvrage vient tardivement et possède un contenu et des proportions comparables au texte que Marc Vignal avait signé il y a déjà des décennies et qui fut pionnier en France avant les travaux de Jean Matter et d'Henry-Louis de La Grange. Il a certainement le mérite de la clarté, par sa concision, en nous offrant une sorte de synthèse et en répondant aux exigences de la collection, qui se propose de faire le point sur un sujet ou un personnage donné.
Le sous-titre de Symphonie-monde ne peut pas manquer de nous faire penser à l'ambitieuse troisième symphonie, qui se voulait comme un récit "musical" de la création et un hymne à la créature reine, l'humain, et à son Créateur dont on ne sait s'il est ressemblant au Père éternel peint sous les voûtes de la Chapelle Sixtine ou s'il est le Dieu immanent décrit par Spinoza, ou bien un mixte des deux. Et la symphonie-monde, c'est aussi l'ensemble de la création symphonique de Mahler si bien analysée dans ses aspects sociaux et philosophiques par T.W. Adorno.
Mahler a donc participé au renouveau artistique viennois, et son travail de chef d'orchestre, de directeur d'opéra et de compositeur, diversement apprécié de son temps, l'a amené à côtoyer des gens comme Johannes Brahms, Hugo Wolf, Anton Bruckner, Alexander von Zemlinsky, Alban Berg, Arnold Schoenberg, Richard Strauss ou le très contestable Hans Pfitzner. Sa collaboration avec Alfred Roller a laissé quelques traces car nous savons, par ce dernier, ce que furent les décors de plusieurs des grandes œuvres de l'art lyrique qu'il aima à donner et l'idée qu'il pouvait se faire de chacune d'elles, car les dessins et peintures rendent en partie l'atmosphère qui devait régner pendant les représentations, Mahler ayant un respect total pour les artistes et leur production, en interdisant que l'on se déplaçât ou que l'on s'exprimât bruyamment pendant l'exécution des œuvres. C'est l'autre Mahler, non le compositeur, mais le chef d'orchestre et le directeur d'opéra qui a marqué son temps, tandis que le temps du créateur de symphonies et de lieder est venu plus tard, à titre posthume.
Aujourd'hui, c'est ce dernier qui s'impose à nous, et sa force nous tous conquis. Son temps est venu. Pour notre plus grand plaisir.
Contrairement à ce que l'on croit souvent, ce n'est pas une œuvre cérébrale comme l'est celle de Schoenberg, c'est plutôt une œuvre descriptive et évocatrice de sentiments, d'impressions, d'expériences diverses, sur un arrière-plan très autrichien, très bohémien, à la fois très classique et très moderniste. Mahler est l'homme des charnières, des transitions, des legs culturels, mais aussi celui des déracinements et des ruptures. Mahler avait raison de dire qu'il était plusieurs fois apatride. Et ses intérêts vont loin puisqu'il ira jusqu'à diriger vers la fin des orchestres sur la côte est des États-Unis, dans ce Nouveau Monde qui attirait son compatriote Antonin Dvorak, et jusqu'à puiser dans la vieille poésie chinoise pour composer son magnifique et inoubliable Chant de la Terre. Il y a un "ailleurs" chez Mahler, en même temps qu'un "ici et maintenant". Et l'ensemble est comme la clé de voûte de la grande création symphonique germanique, derrière les Mozart, Haydn, Bethoveen, Mendelssohn, Schumann, Brahms et Bruckner, avec des accents post-wagnériens. C'est l'un des maîtres du post-romantisme, et son œuvre nous en apprend beaucoup sur l'homme et le génie que fut Gustav Mahler (1860-1911). L'ouvrage de Christian Wasselin est désormais partie intégrante de la bibliographie consacrée à Mahler en France et y apparaît en bonne place, parce qu'il mérite de retenir l'attention du public le plus large.
Mais nous ne saurions trop recommander au lecteur de se comporter avant tout en mélomane, car la chose la plus importante ici est d'écouter l'œuvre de Mahler, que tous les orchestres et que tous les grands chefs nous invitent à entendre, chacun nous la rendant sous des couleurs et des aspects différents.
L'ouvrage de Wasselin est d'ailleurs riche d'un renvoi à quelques-uns des meilleurs enregistrements des symphonies et lieder.
Et l'on entend, disant cela,résonner à nos oreilles quelques fanfares et quelques mélodies devenues plus que familières à nos oreilles.
François Sarindar

Francois Sarindar - - 67 ans - 15 juin 2013