Balco Atlantico
de Jérôme Ferrari

critiqué par Cyclo, le 12 août 2014
(Bordeaux - 78 ans)


La note:  étoiles
drames en Corse
Marie-Angèle Susini gère un bar de village qui sert de point de ralliement à un groupe de nationalistes corses, parmi lesquels Vincent Leandri, Dominique Guerrini et Stéphane Campana. Ce dernier, un des plus ardents, qui est l’amant supposé de Virginie, la fille de Marie-Angèle, est brutalement assassiné en sortant du bar. La jeune fille s’affale sur le corps pantelant du jeune homme, qu’elle avait choisi comme héros dès l’âge de sept ans et qu’elle vénérait.
"Balco Atlantico" est construit à partir de ce point de départ sur des retours en arrière vus par des narrateurs différents, qui permettent de reconstituer l’enchaînement des événements dramatiques qui aboutissent à ce meurtre. Les nationalistes sont montrés comme « des hommes pleins de courage et d’abnégation, sacrifiant leur liberté à un idéal de justice dont personne ne doutait qu’il était supérieur aux lois ». Ils sont capables de« s’avancer la tête haute et le regard souverain entre les policiers », quand ils sont arrêtés, ce qu’ils recherchent parfois, à la fois pour devenir des martyrs de la cause et des héros pour une partie de la population, notamment les femmes. Stéphane Campana, par exemple, qui souffre d’être toujours puceau et de ne pas arriver à draguer, se fait immédiatement embarquer par une femme à sa sortie de prison ! Mais comme dit un des personnages, Théodore Moracchini, ex-ethnologue revenu de tout : « ce n’est pas avec la logique qu’on peut espérer se repérer dans une vie humaine ». Et le chemin des nationalistes croise celui des émigrés marocains, Khaled et sa sœur Hayet, pour qui le monde est « plein de beauté », mais qui vont pénétrer sur un terrain inconnu et miné, en croyant rechercher un monde meilleur. Chacun succombe sous le « poids d’actes trop grands » et parfois ne sait plus distinguer « que le bien, dans certaines circonstances, comme maintenant, c’est une faute ». L’engagement politique, les divisions intestines, l’amour qui semble toujours mort-né, le poids du passé, trop lourd pour tous, tout va se mêler dans un creuset où va se précipiter le drame.
Jérôme Ferrari a écrit ici un roman qui multiplie les points de vue, et qui éclate comme une grenade mûre. Tous les personnages sont prisonniers de leur passé, de secrets enfouis, et le village est un laboratoire où tout se sait, mais où personne ne voit rien, et où les barreaux des passions paraissent plus solides que ceux des prisons.