Hier, demain
de Nuruddin Farah

critiqué par Tistou, le 12 avril 2012
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Voix et témoignages de la diaspora somalienne
On l’aura compris, « Hier, demain » n’est pas un des romans de Nuruddin Farah, le romancier somalien. C’est un essai, ou une tentative d’établissement d’état des lieux de la situation somalienne, ou plutôt des somaliens, réalisé en 2000. La situation de la Somalie, pays davantage célèbre pour ses pirates qui opèrent en Mer Rouge, est surtout un pays martyr qui est parti à vau-l’eau après quelques errements et une dernière dictature qui a achevé le moribond. En 2000, le pays n’existait pour ainsi dire déjà plus. En 2012 … que dire ?
Nuruddin Farah n’est pas un somalien lambda. C’est un somalien romancier, reconnu et célébré, dont on parle régulièrement à l’occasion de l’attribution du Prix Nobel de littérature. Il vit exilé, en Afrique du Sud si mes informations sont bonnes, et ne connait pas les tourments de ses compatriotes éparpillés au fil des mouvements au Kenya, en Ethiopie, en Italie, en Suisse, Grande Bretagne, Suède, Canada, … Ceux-là ont un statut plus que difficile. Déjà l’état de réfugié n’est pas simple mais bien souvent ce statut de réfugié ne leur est pas accordé … Nuruddin Farah, même s’il ne le vit pas, n’ignore pas cet état de fait et a donc consacré un ouvrage pour porter ceci à la connaissance du monde. C’est cet essai « Hier, demain », sous-titré « Voix et témoignages de la diaspora somalienne ».
Il revient d’abord sur la manière brutale dont la situation a empiré, laissant le pays aux mains de hordes sans foi ni loi, se livrant à toutes sortes d’exactions et poussant la population à fuir. A commencer par la famille de Nuruddin Farah qui se réfugie au Kenya, première étape de l’expatriation somalienne.
Plus tard, Nuruddin Farah se livre à un réel travail de collecte, allant à la rencontre de ses compatriotes exilés (on n’ose dire réfugiés !) dans tous les pays cités plus haut. Et les considérations évoquées débordent largement le strict cadre somalien, c’est de l’être réfugié – exilé dont il nous parle.
Plus de dix ans après, la situation n’a pas évolué, en tout cas pas dans le bon sens. Comme un air de désespérance …

« Voilà l’image actuelle de la Somalie dans le monde : des réfugiés en fuite, des bébés affamés avec des mouches dans les yeux, des gangsters et des porte-flingues qui sèment la panique à bord de leur char d’assaut. La Somalie est devenue synonyme de conflit.
Notre pays a également les yeux rivés sur le futur, mais le futur est indissociable du passé ? Qu’ils soient réfugiés ou pas, les Somaliens sont, pour la plupart, « aliénés » ; ils ne parviennent pas à accepter cette nouvelle identité ; en proie à un conflit intérieur, ils mettent un pied devant l’autre, dans la cohue ; épouvantés, ils prennent la poudre d’escampette. Une fois qu’ils sont devenus réfugiés, ils se rappellent comment tout a commencé et cherchent à se disculper ; ils s’inventent mille excuses, trahissent leur pays ; ils sont pris dans la spirale de l’échec, et leur tâche est sisyphéenne. »