The Nature of the Physical World
de Arthur Stanley Eddington

critiqué par Librophage, le 15 avril 2012
(idf - 70 ans)


La note:  étoiles
Une immersion dans l'état d'esprit d'un grand scientifique
"The nature of the physical world" n'est pas un livre de vulgarisation. Sir Arthur Stanley Eddington s'attache plus à nous faire quitter nos vues formatées de l'univers. Il parle d'entropie et de gravité sans énoncer de théorème ni établir de formule. Le sujet est plutôt l’épistémologie. Ses analogies édifiantes cherchent à nous faire ressentir et évidement pas à démontrer. Beaucoup de passages sont merveilleusement écrits et parsemés d'humour. Je dois toutefois avouer que d'autres m'échappent. Voici un échantillon représentatif que j'apprécie particulièrement. La pénultième phrase de l'extrait dépasse largement le cadre des sciences dures. (Les 'démons' dont parle l'auteur s’avéreront correspondre à la force de gravité versus l'espace courbe plus loin dans le texte.)

Les anciens pensaient que la Terre était plate. La petite portion qu'ils avaient explorée pouvait être représentée sans sérieuse distorsion sur une carte plate. Quand de nouvelles contrées furent découvertes, il fût naturel de penser qu'elles puissent être ajoutées à la carte plate. Un exemple familier de ces cartes plates est la projection de Mercator pour laquelle vous vous remémorerez que la taille du Groenland apparaît absurdement exagérée. (Dans d'autres projections, les directions sont erronément distordues.) Toutefois, ceux qui adhéraient à la théorie de la Terre plate devaient supposer que la carte donnait la vraie taille du Groenland, que les distances montrées sur la carte sont les distances vraies. Comment alors pouvaient-ils expliquer que les voyageurs dans cette contrée reportaient que les distances paraissent être beaucoup plus courtes qu'elles n'étaient en "réalité". Ils devaient , je suppose, inventer une théorie dans laquelle il y avait des démons vivant au Groenland qui aidaient les voyageurs sur leur chemin. Évidemment, aucun scientifique n'utiliserait des mots aussi crus; il inventerait des mots polysyllabiques gréco-latins pour dénommer le mystérieux agent qui faisait paraître le voyage si court; mais c'est seulement un camouflage. Mais maintenant, supposez que les habitants du Groenland aient développé leur propre géographie. Ils trouveraient que la plus importante partie à la surface de la Terre (le Groenland) peut être représentée sans sérieuse distorsion sur une carte plate. Mais quand ils se réfèrent à des contrées distantes telle que la Grèce la taille doit être exagérée; ou, comme ils l'exprimeraient, ils y auraient des démons actifs en Grèce qui rendraient l'apparence des voyages différent qu'elle n’apparaît être sur une carte plate. Le démon n'est jamais où vous êtes; c'est toujours les autres personnes qu'il hante. Nous comprenons maintenant que la vraie explication est que la Terre est courbe, et que l'activité apparente du démon provient de l'obligation de forcer la surface courbe sur une carte plate distordant ainsi la simplicité des choses.