Enfin tranquille
de Renaud Ambite

critiqué par Lucien, le 29 septembre 2002
( - 69 ans)


La note:  étoiles
Dix grains de sable dans les rouages du quotidien
Vous venez de recevoir «Enfin tranquille», le troisième livre de Renaud Ambite, un jeune auteur dont vous aviez beaucoup apprécié les deux premiers romans, «Thérèse m’agaçait» et «Sans frigo». «Un peu mince…» vous êtes-vous dit d'abord, en feuilletant la centaine de pages. Puis, vous avez remarqué - avec peut-être un rien de déception - que l’indication «roman» ne figurait nulle part, juste avant de constater, en découvrant les sous-titres, qu'il s’agissait en fait d'une série de textes courts, ce qu'a confirmé le survol de la table des matières : dix textes, un compte rond, comme un hommage au système décimal ou au Décalogue. Fidèle à une vieille habitude, vous avez soigneusement évité de lire la quatrième de couverture et vous êtes mis à papillonner :
«Lépala» vous a fait penser à ces poèmes dialogués, absurdes et grinçants, de Jean Tardieu : -Elléou ? -Qui ? -Elle. -Lépala. -Ouellé ? -... -Ouellé ? -Chépa. «Salto» vous a rappelé Prévert : que, suite au réchauffement climatique, la Tour Eiffel se barre du Champ-de-Mars pour aller se mettre les pieds au frais au milieu de la Seine, c’est un peu surréaliste, non? Et puis, vous avez commencé à lire dans l'ordre, sagement. Dans «Radio-Roulette», le patient déphasé du dentiste facho qui, sur un coup de tête, pique le stylo de son bourreau, vous a fait penser à Salavin, le petit employé de Duhamel. Vous vous souvenez, dans «La confession de minuit», quand il touche l'oreille de son patron... Et puis, vous avez continué. Et vous avez cessé de jouer aux références. Car vous avez compris que tous ces textes étaient bien, d'abord, du Renaud Ambite. Et du meilleur. Renaud Ambite, quand les grains de sable du farfelu grippent les rouages du quotidien… Quand les enfants deviennent des monstres, les pères des héros maladroits, les épouses des statues aux pieds d’argile. Quand le moindre geste déclenche des catastrophes : demander un emploi, emmener ses enfants en vacances, aménager dans un appartement, partir aux sports d'hiver. Quand le moindre geste déclenche des catastrophes, on songe à Pierre Richard ou à Charlie Chaplin. Avec en plus, peut-être, ces raffinements d'humour noir – comme dans «Enfin tranquille» ou «Prière» –, et ces images surréalistes (images au sens visuel, comme dans un tableau de Chagall) qui dénouent «Distribution de tracts» ou «Attaché-case». Ces éclats de rire qui restent en travers de la gorge. On n’est pas loin du «Plume» d’Henri Michaux. Et l’on referme le petit livre en se disant que l'on y reviendra. Et l’on attend, avec impatience, le prochain roman de Renaud.
Enfin ! 7 étoiles

Il y a ceux qui ont lu Ambite et qui aiment Ambite et il y a ceux qui ne connaissent pas encore Ambite. N’y voyez aucun jeu de mots scabreux.

Miller - STREPY - 68 ans - 10 octobre 2002