Journal de l'abbé Mugnier (1879-1939)
de Arthur Mugnier

critiqué par Hervé28, le 18 mars 2012
(Chartres - 54 ans)


La note:  étoiles
Témoignage littéraire d'un abbé
Un véritable petit bijou réédité par les éditions "Mercure de France" dans la collection "le Temps retrouvé", en 1985.
J'ai eu un infime plaisir à découvrir ce journal littéraire, qui rend hommage aux figures de la fin du XIXème et de la première moitié du XXème siècle.
Car quel parcours fut celui de l'abbé Mugnier, né en 1853 et mort en 1944, et qui dans son journal va relater presque 60 ans de vie littéraire, celle mondaine des salons de la princesse de Bibesco, ou ceux de la duchesse de Castries.
Les premières pages de ce journal sont consacrées, après la mort du prince impérial (Napoléon IV) et celle de Victor Hugo, à ses relations avec son ami Huysmans.
On se croit revenu dans l'univers de Proust, en y croisant la fameuse comtesse Greffulhle, égérie de l'auteur de "la Recherche du temps perdu" mais aussi Madame de Noailles ou de Mme de Caillavet.
Témoignage d'un temps désormais disparu, celui de la Belle Epoque,celui des salons littéraire, de Barrès avec "la colline inspirée", ou encore d'une noblesse dépositaire d'un passé révolu: "la noblesse, écrit l'abbé le 26 mars 1913, n'inspire vraiment confiance que lorsqu'elle interprète la passé.Mais quand elle prétend s'immiscer dans le monde moderne, elle rend un son qui n'est pas net. Elle ressemble au riche qui visite un pauvre et lui fait la charité."
L'abbé Mugnier suit avec délices l'évolution de monde littéraire (le monde réel avec la guerre de 14 ou encore celle de 39, n'est que peu présent dans le choix retenu pour l'édition du présent journal). Certes Hyuismans est souvent évoqué, Verlaine, mais aussi, Renan, Cocteau, Picasso, Colette, Maurras, Mauriac ou encore Julien Benda.
Formidable témoignage sur le monde littéraire de l'époque, le journal de l'abbé Mugnier reste pour moi une référence. D'ailleurs celui-ci était très lucide sur ses penchants littéraires :"Ah! quelle vie que la mienne !une vie de voitures et de pneumatiques. Une vie de déjeuners et de dîners " ou encore "toutes mes amours n'ont été que littéraires. Mes voeux m'ayant interdit la femme, tout mon coeur a passé dans mes livres....Chateaubriand, Sand , Lamartine ...ont pris la place que les jeunes filles , les femmes auraient nécessairement occupée, si ma vocation eût été celle de tout le monde. Combourg, Nohant, Saint Point, La Chesnaie n'étaient que des voyages de noces" (30 août 1894)
Incontournable témoignage, vous dis-je d'un admirateur du monde littéraire et de Chateaubriand en particulier, à tel point qu'à sa mort sa vieille servante confiera:" Ah ! Monsieur le Chanoine doit être bien content: il va pouvoir enfin rencontrer M.le Vicomte"
Quel bonheur 10 étoiles

c'est un livre que j'ai lu et relu.
Le charme reste intact.
Ce journal parvient à une sorte d'équilibre miraculeux entre l'intériorité de l'abbé et l'observation de son environnement.
Le livre fait penser aux mémoires de Chateaubriand (la style en moins), écrivain pour lequel notre abbé avait une grande dévotion.
Et puis ce journal nous donne des clés pour mieux appréhender l'oeuvre de Hyusmans et celle (moins connue) de la Princesse Bibesco.
Le bonheur qui procure ce livre est grand, sa saveur ne s'étiole pas.
La biographie de Ghislain de Brisbach et les deux ouvrage consacrés par le Princesse Bibesco à ce saint abbé complètent bien la découverte de cet homme si singulier et si attachant.

Fredericpaul - Chereng - 62 ans - 18 mai 2014