La mémoire des dieux
de Jacques Lanzmann

critiqué par Moé Mundo, le 18 mars 2012
( - 31 ans)


La note:  étoiles
Un voyage au Népal audacieux mais pas des plus réussis
La première page m'a ravie par son ton frais et décalé. Oui, bien, sauf que ça s'est malheureusement arrêté là et que j'ai ensuite été partagée pendant toute ma lecture d'une nuit (La mémoire des dieux, s'il n'est pas très efficace, a au moins l'humilité d'être court et vite lu) entre irritation et frustration.

Irritation parce que la note farfelue que l'on relève dès le début, au départ plutôt agréable, devient lourde et grasse. On s'emberlificote dans la prose, parfois douteuse, de Lanzmann et dans ce style un peu ambigu où l'on passe du coq à l'âne, avec finesse parfois et avec lourdeur souvent. Et que dire des personnages ? On sent que Lanzmann a voulu modeler des caractères forts et des portraits hauts en couleur, ça ne fait aucun doute : une grand-mère complètement loufoque atteinte de la maladie d'Alzeihmer, un jeune népalais roux aux yeux bleus de 11 ans qui porte en lui toute la sagesse du monde, un ex-prof de maths casanier reconverti en aventurier... ces profils, qu'on les aime ou pas, interpellent, et j'étais très curieuse de faire la rencontre de ces singuliers personnages au fil des pages. Sauf que brosser des portraits originaux, ça ne suffit pas, et les personnages de La mémoire des dieux souffrent d'un manque de profondeur et se font rapidement noyer par le ton farfelu du livre. En général, on s'entend plutôt bien, les bouquins farfelus et moi, mais ici ça manque de finesse et de dosage.

Frustration, ensuite, parce que nombreux éléments intriguent et interpellent dans ce livre. Le Népal, tout d'abord. Le pays sherpa qui nous est dépeint par quelques belles descriptions. On prend plaisir à découvrir les odeurs, les ambiances et les humeurs captées de-ci de-là dans les montagnes. On sent que Lanzmann a des choses à dire sur cet endroit, on sent qu'il l'a probablement aimé déraisonnablement. Parce qu'il y a, par petites touches, des bribes de textes magnifiques distillés anarchiquement d'un bout à l'autre du livre. Seulement voilà, ces petites perles littéraires, bien cachées au milieu des paragraphes bancaux, disparaissent aussi vite qu'elles sont apparues et nous laissent avec un goût amer dans la bouche : mince alors, on aurait voulu en savoir plus ! Et c'est bien ça le problème. La mémoire des dieux génère des attentes de la part de son lecteur, par tous les petits indices qu'il sème sur son chemin, mais n'y répond jamais. D'où la frustration. Par ailleurs, je regrette de ne pas en avoir appris davantage sur le Népal, sur les gens et sur leur culture. Je retiendrai le beurre de yak, sans doute, mais pour ce qui est du reste... Moi qui suis friande de découvertes, je suis restée sur ma faim.

Bref, La mémoire des dieux oscille constamment entre son humour décalé et un peu grotesque et, soudainement, venues de nulle part, de très belles images pleines de sens et de poésie. Ce drôle de balancement finit par donner le mal de mer et j'ai plusieurs fois été tentée de laisser le livre de côté. Je suis convaincue que Lanzmann a du talent, pour ces quelques pages au fil de ma lecture qui m'ont émerveillée, mais le choix qu'il a fait pour l'écriture de son livre ne m'a pas convaincu. Est-ce que ça n'aurait pas été mille fois plus humble, touchant et réussi s'il s'était montré moins excentrique et plus humaniste ?

Je retiendrai – enfin, j'essaierai – quelques belles phrases et des jeux de mots particulièrement astucieux. Mais, pour ce qui est du reste, La mémoire des dieux retournera sur l'étagère dans mes toilettes et y restera probablement.