Tant que vous penserez à moi
de Emmanuel Berl, Jean d' Ormesson

critiqué par Hervé28, le 17 mars 2012
(Chartres - 55 ans)


La note: étoiles
Eblouissant
Plus personne ne lit "Sylvia", ou encore "Présence des morts", romans d'Emmanuel Berl, personnage fascinant et d'une grande intelligence qu'a rencontré Jean D'Ormesson en 1968, pour une série d'entretiens que retrace ce livre. (Vous pouvez aussi retrouver cette longue interview en CD avec la collection "les grandes heures" édité par Radio France et l'Ina).
Pour les amateurs de littérature et de philosophie, cet ouvrage est incontournable. Emmanuel Berl, écrivain, journaliste (il est le fondateur du journal "Marianne" en 1932), confie au jeune Jean d'Ormesson ses rencontres avec Bergson, relate son amitié puis sa brouille avec Proust et nous plonge dans l'esprit Munichois de 1938.
Bien sûr, on croise au fil des pages les grands esprits de l'époque: de Breton à Drieu La Rochelle (un véritable séducteur d'après Berl), en passant par Aragon ou encore Barrès.
Dans cette période troublée (de l'immédiate avant guerre aux années suivant la Libération), Berl se définit lui-même comme un intellectuel "hostile à tout engagement", ce qui est assez cynique pour celui (Berl était juif, et un juif de gauche!) qui a rédigé le deuxième et troisième discours ("la terre,elle, ne ment pas!) du Maréchal Pétain en juin 40 et qui fut décoré pendant la guerre de 14.
Finalement, ce bref livre d'entretiens (160 pages) porte un regard intelligent sur une époque désormais révolue,celle des salons de Madame de Noailles, par exemple, ou de Mary Duclaux; mais aussi l'époque des querelles littéraires avec les surréalistes, mais Emmanuel Berl dresse de superbes portraits des écrivains d'alors (Drieu, Aragon, Cocteau, Proust).
Même si la première partie du livre peut paraître assez ardue (on y croise Alain, Bergson, le structuralisme, bref on assiste à une discussion entre deux agrégés de philosophie), le reste est plus léger, plus accessible.
Témoignage éblouissant qui mérite d'être lu mais surtout d'être relu.