La sainte famille
de Pierre Combescot

critiqué par Sundernono, le 14 mars 2012
(Nice - 41 ans)


La note:  étoiles
Affaire d'Egypte
Après l’excellent Filles du Calvaire, Pierre Combescot s’attaque au milieu de la tauromachie au travers de cette Sainte Famille qui ne m’a vraiment pas déçu, bien au contraire.

Quatrième de couverture :
On ne résume pas une oeuvre comme celle-ci, avec son foisonnement de personnages et d'intrigues, de la Belle Époque aux lendemains du nazisme, des cabinets diplomatiques parisiens aux élevages taurins d'Andalousie, des ruelles de Grenade ensanglantées par la guerre civile au vieux port de Marseille dynamité par les Allemands.
Rappelons seulement que lorsque, en 1887, fut guillotiné Henri Pranzini, Thérèse de Lisieux pria pour lui et déclara qu'il était son premier enfant. De cette union mystique de l'assassin et de la sainte, naquit une descendance vacillant à tout jamais entre la Damnation et le Salut, entre le Bien et le Mal, entre bourreaux et victimes. Toreros et truands, gitans et duchesses, maquerelle et «Marquise rouge», enfants perdus et retrouvés, amours interlopes et sacrifices héroïques peuplent cette saga toute en ombres et en lumières, nous entraînant dans un tourbillon où la peinture sociale naît de l'intrigue policière, où l'histoire côtoie le fantastique, et le drame la comédie...

Là richesse des personnages est une fois de plus frappante et semble être une caractéristique des romans de Combescot, mais quel réel plaisir d’en saisir toute la profondeur et de découvrir petit à petit tous les liens unissant les personnages car un lien puissant presque mystique semble relier les trois grandes familles de ce roman mêlant l’aristocratie française (famille Puech) à la noblesse espagnole (les moron de Fuentevaqueros )ainsi qu’à la gitanerie par les Tubal.
La construction du roman est complexe et comprendre ces liens nécessite du temps et surtout d’avoir l’esprit clair. L’arbre généalogique aide énormément et fut mon meilleur soutien durant les 100 premières pages. Cependant le jeu en vaut vraiment la chandelle, une fois l’obstacle franchi la lecture devient un pur plaisir, de plus le style si particulier de Combescot me plaît vraiment. Comme rien ne vaut mieux qu’un extrait pour se faire une idée, en voici un :
"« Et que je sois un fils de pute si je ne deviens pas le plus grand torero d’Espagne… » Comme les autres le futur Pépété alors encore José Ortega avait juré ainsi, à cette seule différence qu’il n’avait ni père ni mère.
Ombrageux et cambrés dans leur orgueil, ils s’en vont, ayant bu au filtre de l’aficion, une muleta de fortune au poing, débusquer le taurillon à qui ils feront connaître par deux passes légères comme une caresse que de cet instant l’Espagne doit compter avec un nouveau matador. Pour certains d’entre eux, amants de la mauvaise fortune, dans ce pré où la lune moutonne ses argentures, s’avance, encore jeune, le toro qui les encornera. Pour d’autres ayant épuisé dans la poussière la flamme de leur passion obscure, un bout de trottoir les attend quelque part dans un barrio poisseux et malfamé, où, chaussures de croco aux pieds, ils finiront glorieux maquereaux de leurs désillusions. Peu goûteront aux vertiges du triomphe, à cette heure violette quand les arènes s’embrument, vidées soudain de la lumière, et que sur le sable le dernier toro y dégorge son sang. Tous cependant, quel qu’ait été leur destin, auront contribué à amender, en y répandant leurs rêves, cette terre aride et resserrée, à la rendre plus scintillante et encore plus illusoire."

Vous l’aurez compris j’ai adoré ce roman que je recommande vivement, Combescot est génial !