Matisse : Paires et séries
de Cécile Debray

critiqué par Jlc, le 13 mars 2012
( - 81 ans)


La note:  étoiles
Dialogue de regards
« Matisse, paires et séries » est une formidable et magnifique exposition que présente jusqu’au 18 juin le Centre Pompidou. C’est aussi un très beau catalogue. Laissant les grandes rétrospectives aux dates anniversaires, les musées proposent maintenant des manifestations plus ciblées, soit sur une période, soit sur une particularité de l’artiste.

Cécile Debray, commissaire de l’exposition, a retenu le thème de paires et séries. Matisse a en effet peint toute sa vie des séries comme s’il ne se satisfaisait pas de son premier travail qui n’était portant pas un premier jet mais une oeuvre déjà aboutie. C’est ce qu’un historien d’art a appelé des « remakes », allusion à une pratique fréquente au cinéma.

Le catalogue va plus loin, pressentant chez cet artiste un doute fondamental. Matisse, confronté à lui même, ne cherche jamais à choquer le spectateur. Il n’a « voulu que nous plaire, nous aider à être heureux ». Pour être sûr que notre regard dialogue avec le sien, « cent sur le métier il remet son ouvrage », soit en « variations délicieuses, imprévues », soit en cherchant un équilibre entre « prudence et témérité ». « Il regarde constamment en arrière pour avancer » et reprendra dans la seconde partie de sa vie des thèmes de travaux antérieurs avec un style différent. Il laisse maturer et considère qu’ « un tableau est la résultante d’une suite de reconceptions précises qui s’exaltent. »

Ces paires et séries sont l’expression d’un discours de la méthode dans son processus de création. Pour cela, Matisse va, à partir des années trente, faire photographier son travail, ce qui lui permettra de progresser, variation par variation. Il recherche « une harmonie analogue à celle d’une composition musicale » et il en sait toute la fragilité.

« Ce que Matisse veut exprimer, c’est lui-même. Son style est un moyen inventé pour s’exprimer. Et puis l’homme s’effacera. Il restera le style. Un grand style qui domine son époque. Son style. Et c’est pourtant l’homme même. » écrivait Aragon dans « Henri Matisse roman ». Il rejoignait le peintre pour qui « l’importance d’un artiste se mesure à la quantité de nouveaux signes qu’il aura introduits dans le langage plastique ». C’est pour apporter ces signes qu’Henri Matisse "avec sa foi éperdue et contrôlée, sa grande virtuosité décorative, sa sensualité et la saveur de son dessin" (André Fermigier dans "La bonne et la mauvaise peinture") a travaillé et retravaillé sur les mêmes thèmes sans jamais se recopier, ni susciter l’ennui.

Le catalogue a l’originalité de ne pas se composer d’essais longs et savants mais de textes plus brefs et fort bien rédigés par thème, paire ou série. La reproduction des tableaux m’a paru fidèle à l’original mais je ne suis pas spécialiste en la matière, pas plus qu’en histoire de l’art. Ces quelques lignes n’avaient pour autre objet que de vous faire partager mon coup de cœur pour ce beau livre qui n’est pas que d’images. Il reste le témoin de l’émotion d’un moment de bonheur.