Ecriture et psychanalyse
de Jacqueline Harpman

critiqué par Nausicaa, le 12 mars 2012
( - 37 ans)


La note:  étoiles
Ecriture et psychanalyse
J'ai beaucoup entendu parler de Jacqueline Harpman mais n'avais jamais eu l'occasion de lire un de ses romans. C'est donc avec "Écriture et psychanalyse" que j'ai emprunté dernièrement que j'ai découvert l'auteur.

Cet ouvrage est un recueil de textes centrés sur les rapports entre la création littéraire et la psychanalyse. Pour toute personne qui s'intéresse un peu au processus d'écriture et qui connaît ces classiques, ce livre est vraiment passionnant. Harpman nous parle de Proust , tente de comprendre quels mécanismes font qu'elle a tant apprécié "A la recherche du temps perdu" et s'est ennuyée en lisant le "Da Vinci code". "Thérèse Desqueyroux" de François Mauriac a également beaucoup retenu son attention, et c'est un peu comme un enquêteur qu'elle essaye de relever des indications sur l'homosexualité latente de Mauriac à travers l'analyse des émotions et des réactions de Thérèse. Elle se penche également sur ce qui guide les écrivains lors du choix du pronom personnel "je" ou "il" pour décrire le personnage principal. De plus, elle dissémine tout au long de ses chapitres des réflexions concernant sa façon d'écrire. Enfin, elle termine par une ré-interprétation de Sophocle et plus précisément du mythe d'Oedipe.

Écriture et psychanalyse attise l'intérêt et donne envie de lire autrement. Les chapitres sont pour la plupart tirés de communications qu'elle a données et peuvent donc se lire plus ou moins indépendamment les uns des autres.
Une lumière propre à l'auteur 7 étoiles

Difficile, impossible, même, de dissocier l’écrivain de la psychanalyste quand il s’agit des écrits de Jacqueline Harpman. Terreau fertile nourrissant la création de ses romans, les identités de ses personnages, inséminant sa création d’une subtile vision des âmes, la psychanalyse a cheminé côte à côte avec le travail de création littéraire.

Dans cet ouvrage sont proposés différents exposés abordant d’entrée de jeu La recherche du temps perdu de Proust où la relation à la mère est subtilement décrite dans les premières pages. Mais aussi la notion de narration en tant que « je », l’inconscient niché dans l’écriture (Jacqueline Harpman expliquant notamment son ennui lors de la lecture du Da Vinci code où de l’auteur n’était palpable selon elle, contrairement à Proust ou Mauriac ou…), le statut d’écriveur par rapport à celui d’écrivain et l’incroyable mine analytique qu’offre l’Œdipe de Sophocle.

De très intéressantes approches qui donnent une nouvelle lumière sur l’œuvre de Jacqueline Harpman, sur ce transfert dans l’écrit, sur cette pulsion créatrice et savoureuse. « Les poètes ne savent pas tout sur ce qu’ils disent : heureusement, car il pourrait arriver qu’ils s’en épouvantent et ne disent plus rien. » Voilà qui est bien terrifiant et fascinant à la fois…

Pour les passionnés de l’auteur, pour les amateurs pointus sensibles aux différents niveaux de lecture, pour la richesse de la réflexion de ce grand écrivain…

Bluewitch - Charleroi - 44 ans - 18 septembre 2012