Le séjour invisible
de Joël Vernet

critiqué par JEyre, le 4 mars 2012
(Paris - 43 ans)


La note:  étoiles
"C'est pour la beauté insensée que l'on écrit, pour ces millions de visages inconnus, invisibles que des mains lâches brisent sur les pierres."
Voilà, je viens de tourner la dernière page, mes mains et mon cœur tremblent. Quelque chose a parlé à mon cœur, un autre cœur probablement, un cœur qui a souffert, un cœur qui est passé de l’ombre à la clarté, un cœur invisible et puissant.
C’est drôle, le livre s’est coloré, je me suis pourtant retenue de tout surligner, mais au final, il me semble que ce texte est constitué d’essentiel, alors chaque mot est important, chaque image, chaque colère, chaque émerveillement. J’ai vécu une expérience particulière avec Le séjour invisible, j’ai rencontré un homme que je connais, ou plutôt un enfant, L’Enfant. L’enfant qui a grandi et qui s’indigne de ce que l’homme lui a fait, fait au monde, de ce qu’il gâche, détruit… s’autodétruit.
Eloge de la contemplation, saisir l’instant, s’ouvrir à soi, au monde, vivre, avant de mourir.
Chant, cri, prière hurlée, danse, tension, lumière, ombre, enfance, beauté, nature, silence, écriture, solitude. Essentiel. Je ne peux faire la critique structurée et en retrait que je pensais faire, je gâcherais tout, mon ressenti, ma gratitude, la beauté de mon expérience vécue, je souhaite garder en moi, intact, ce trésor partagé avec générosité par son auteur.
Alors, je vais juste fermer les yeux et avec amusement désigner un passage au hasard…

« J’ai laissé entrer le vent du jardin dans le beau silence de la maison. C’est pure merveille que de voir le battement des pages, le bruissement des livres, la venue de l’été, ici, dans ce refuge où s’est déposée ma vie. »

Merci Monsieur Vernet.
"J'aurai vécu sans gloire mon séjour invisible" 8 étoiles

Un texte d'une extrême poésie, sur l'enfance perdue, la solitude, et le sens de l'écriture, des mots.

" Qui vit au sommet de la parole est seul, absolument seul. Pourtant, rien ne s'invente à l'écart des autres. Rien
La vie ne vaut que pour ses brûlures".

Peut-être un peu trop de complaisance dans la souffrance, par petits moments, mais qui sont largement rattrapés par d'autres bien grands:

"Nous ne vivons qu'entre folie et enchantement pour célébrer ce qui est digne de l'être encore. J'écris des rebuts sur des bouts de papier, des copeaux en pleine course, dans la ferveur d'une marche, dans le repos d'une halte après avoir parcouru tout un versant de la montagne [...]
On croit vivre pour toujours dans les plis d'un visage, dans son accueil, la tessiture d'une voix, mais un jour, ce visage se ferme, cette voix s'éloigne peu à peu jusqu'à n'être plus que silence, ce corps devient étranger, tous les souvenirs s'estompent, les chambres habitées, les chemins arpentés, cette charpente des jours, des années s'effondre et n'abandonne que très peu de poussière dans les mémoires. On ne sait plus ce qui a été vécu. Etait-ce un rêve, un cauchemar, un fragment de réalité? On voudrait toucher avec nos doigts, mais un monde, derrière nous, s'est refermé".

Sissi - Besançon - 54 ans - 23 novembre 2012