Le Condottière
de Georges Perec

critiqué par Pucksimberg, le 27 août 2016
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Un roman de jeunesse de Pérec
Le roman s'ouvre sur le cadavre de Madera. Gaspard Winckler, faussaire, vient de tuer son commanditaire sur une pulsion, sans que le crime ne soit prémédité. Est-ce un acte gratuit ? A la manière des romans policiers, nous avons le meurtre en ouverture, mais le roman prendra rapidement ses distances avec ce genre. Gaspard Winckler s'interroge, monologue, dialogue afin de mieux comprendre et se questionne sur la conscience. A force de copier des grands maîtres, d'exceller dans son art, mais de vivre dans l'ombre, le personnage principal éprouve un certain inconfort à mener une telle existence. Et surtout il a le sentiment d'avoir connu un échec cuisant avec ce tableau du Condottiere qu'il n'arrive pas à rendre parfaitement. Il se sent blessé par ce tableau qui résiste et par le regard dur du personnage peint.
Le roman repose sur les instants qui suivent le meurtre, crime qui a agi comme un déclencheur. Gaspard semble revenir à la vie par la mort imposée à autrui. Et puis vivre dans le secret, dans l'ombre, dans le faux, ça use ... Vit-on réellement de cette manière ?

Ce roman de jeunesse de Perec avait essuyé quelques refus initialement, avait été enfoui dans une malle ... Il est réédité en 2012 et aura une résonance pour les lecteurs de cet auteur qui verront des liens avec ses autres romans. La langue est pleine de trouvailles, les descriptions prenantes ( ce qui est rare ), comme cette scène initiale dans laquelle le sang est décrit avec talent. Perec fait aussi des jeux de mots, ici pas toujours réussis, ou du moins faciles. Sa prose possède une force qui lui est propre et elle parvient à nous plonger dans des atmosphères et à visualiser avec précision ce qui est décrit. Grâce à ce roman, le lecteur plonge dans le monde de l'art, des faussaires. On y parle de Renaissance, de tableaux célèbres et de portraits qui deviennent quasiment vivants tant les traits du visage sont expressifs.

L'histoire n'est pas linéaire et ce n'est pas un roman qui repose sur des rebondissements et une avancée de l'action. Le personnage s'interroge, et ce sont ses pensées qui nous suivons. Il y a un caractère répétitif qui est dû aux réflexions de ce criminel qui ressasse son passé et qui ne parvient plus à échapper à cet acte. Georges Perec utilise des moyens variés pour comprendre ce personnage. Le pronom "tu" est parfois utilisé et permet de voir les mouvements de sa pensée et renforce aussi le caractère accusateur.

Un roman qui plaira aux lecteurs de Perec, ne serait-ce que par curiosité, mais qui pourrait déplaire aux lecteurs qui ont besoin d'une richesse narrative pour être séduits.