Les derniers jours de Stefan Zweig (version BD)
de Laurent Seksik (Scénario), Guillaume Sorel (Dessin)

critiqué par Bluewitch, le 23 février 2012
(Charleroi - 44 ans)


La note:  étoiles
Adaptation sensible
Une adaptation est toujours un pari risqué. Ici, du roman de Laurant Seksik paru en 2010, on découvre une version bande dessinée aux allures de film lent. Ayant lu l'original, c’est avec une légère appréhension que j’ai pris place à bord des premières planches. Réalistes, aux couleurs des terres qui attendent les Zweig, elles se dévoilent avec une sorte de langueur, propre, d’une certaine façon, à l’état d’esprit des personnages.

Stefan Zweig et sa seconde épouse, Lotte, beaucoup plus jeune que lui mais si fragile. Leur nouvel exil, loin d’une patrie qui les a rejetés, de pays étrangers qui craignent leur double identité. Juifs. Autrichiens. Le questionnement sur leur futur, sur la littérature, sur l’aura d’un homme estimé et pourtant profondément accablé d’une culpabilité de vivre alors que tant d’autres meurent. Et puis, en toile de fond, un Brésil bigarré et contrasté voire contradictoire. Les Zweig cherchent un abri, un refuge. Mais ils se sentent en danger même à l’intérieur d’eux-mêmes. L’écrivain, surtout, qui entraîne dans sa longue descente mélancolique sa jeune épouse si peu charismatique. Son amour de l’ombre. Celle avec qui il est bon de quitter ce monde, en fin de compte.

Le roman de Laurent Seksik abordait avec beaucoup d’intériorité et de sensibilité ces derniers mois de la vie du célèbre auteur. Cette bande dessinée arrive quant à elle à trouver l’accent juste pour en donner une approche en touches impressionnistes, approche dont les planches finales sont le meilleur exemple. Difficile de donner un avis détaché du roman mais il reste, à la fin de cette lecture, un soupir ému et empli de compassion face à cette histoire si simple d’un désespoir si complexe…
Il faut connaître 6 étoiles

Avant tout une bédé d’ambiance, je crois qu’il faut connaître l’histoire de Zweig pour s’y investir pleinement. Tout est de qualité, le dessin et l’évocation, mais cela ne m’a pas touché. Pourtant j’avais lu ‘Le joueur d’échecs’

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 54 ans - 7 juin 2015


« Six mois, c'est une éternité. » 6 étoiles

« Oui, tu écris avec une sorte de fascination pour son geste. Tu fais l’éloge de son suicide. Tu sublimes cet acte atroce. Tu écris même que sa mort était un chef-d’oeuvre. Rassure-moi, c’est un effet de style ? »

Juif en Europe, allemand en Angleterre, traître partout ailleurs, une vie d’exil où la guerre ne semble jamais se terminer. Comme sûrement plusieurs membres du site, Stefan Zweig est un auteur que j’admire beaucoup, alors c’est avec hâte que j’ai lu cette bande dessinée sur ses derniers jours, adaptation du roman de Laurent Seksik.

Une bande dessinée dur à lire, surtout quand on sait dans les grandes lignes comment est mort l’auteur exilé. C’était émouvant, mais j’aurais voulu qu’on montre plus et raconte moins (le « show, don’t tell »), j’avais l’impression qu’on prenait trop le lecteur par la main, il y avait trop d’insistance.

Je recommanderais la bande dessinée à ceux qui ont lu quelques livres de Zweig, parce que même si on peut se sentir sensible aux malheurs de cet homme, me semble que ça doit être plus marquant quand on connaît la grandeur des oeuvres de l’artiste.

Nance - - - ans - 20 mai 2015


"Toute ombre est fille de la lumière ! " 8 étoiles

Auteur de bandes dessinées français (1966 - ), Guillaume Sorel commence à publier ses premières illustrations professionnelles dans les magazines Scales et Casus Belli, illustre des jeux de rôles pour Oriflam, et collabore aux trois numéros du fanzine Karpath.
En 2011, il rencontre l'écrivain Laurent Seksik. L'album "Les derniers jours de Stefan Zweig" paraît le 22 février 2012, jour commémoratif des 70 ans de la mort de l'auteur autrichien.

Fuyant l'Autriche et les prémices des persécutions juives, Stefan Zweig retrouve le Brésil.
Il entreprend la rédaction de ses mémoires, revient sur les principales étapes de son existence, témoignant d'un monde en destruction.
Avec l’entrée en guerre des États-Unis, il perd de plus en plus espoir mais n’en continue pas moins son œuvre.
Hanté par l'inéluctabilité de la vieillesse, s'accommodant mal de l'asthme sévère de Lotte et moralement détruit par la guerre; il décide qu’il ne peut plus continuer à assister ainsi, sans recours, à l’agonie du monde. Le 22 février 1942, après avoir fait ses adieux et laissé ses affaires en ordre, Stefan Zweig met fin à ses jours en s'empoisonnant au Véronal, en compagnie de Lotte qui refuse de survivre à son compagnon.

Une magnifique (et tragique) page de la vie de l'écrivain, illustrée de main de maître par Guillaume Sorel. Les dessins collent à merveille aux situations (Clarté/ Noirceur).
Les 3 dernières pages offrent une luminosité à la hauteur du génie de l'écrivain.
Une BD complète par sa forme et sa profondeur .
Intense moment de lecture !

Frunny - PARIS - 58 ans - 19 janvier 2015


Bouleversant 10 étoiles

Cette BD est bouleversante, le graphisme rend particulièrement l'atmosphère de ces jours, la noirceur qui gagne le monde et crée la désespérance de Stefan Zweig, l'insouciance et la joie de vivre de sa jeune épouse contraste étrangement.
Pour ma part j'ai aussi ressenti un peu d'indignation à la voir ainsi entraînée dans la mort.

Bafie - - 62 ans - 3 janvier 2014


Suicide dans un monde « idyllique » 9 étoiles

Il est toujours délicat de juger une bédé inspirée d’un roman qu’on n’a pas lu. Mais si l’on s’en tient ici à l’aspect visuel, c’est tout bonnement époustouflant. Le trait dentelé de Sorel s’allie parfaitement à ses aquarelles sublimes que l’on admire tels des petits tableaux, avec des effets de lumière sidérants. Et ce quelle qu’en soit l’échelle. Si les paysages brésiliens sont grandioses, on est tout autant ému par les délicats reflets d’une coupe de champagne ou de l’eau dans une piscine. Les souvenirs du « monde d’hier », en l’occurrence l’Europe de la culture et des arts avant la barbarie nazie, sont évoqués avec sensibilité, dans une ambiance à la fois crépusculaire et flamboyante.

Je dois dire que je me suis tellement laissé emporter par la magnificence du travail de Sorel que pour moi le scénario passe presque au second plan. Celui-ci est basé sur des faits réels : la retraite de l’écrivain au Brésil avec sa jeune épouse Lotte, quelques jours avant leur suicide en 1942. Bref, j’ai trouvé que Sorel rend ici un magnifique hommage à Stefan Zweig et qu’il a parfaitement compris l’état d’esprit dans lequel il pouvait se trouver à ce moment-là. C’est vrai, le récit est lent et contemplatif, et risquera de laisser en dehors ceux qui ne connaissent pas cet auteur dont les œuvres furent traversées par un humanisme inquiet et qui ressentit d’autant plus durement la folie destructrice qui s’était emparée de son pays et de l’Europe toute entière.

Car Zweig était un authentique amoureux des arts qui déprimait de voir le monde prêt à succomber au fascisme (et qui ne croyait pas à la victoire des Américains), mais il souffrait aussi d’entraîner vers un abîme inéluctable sa chère Lotte qui aspirait à la vie malgré son asthme sévère, lui qui disait ne plus pouvoir vivre avec sa « bile noire » que rien ne pouvait chasser.

Ce que l’on peut dire aussi de cette œuvre, c’est que les auteurs jouent beaucoup sur les contrastes. Tout d’abord celui entre deux mondes opposés, l’Europe en proie au chaos et le Brésil baigné d’une douceur de vivre réconfortante et hors du temps. Puis celui entre Stefan Zweig lui-même, en proie à un abattement inconsolable, lassé d’être devenu un exilé permanent considéré comme juif par les uns et ennemi allemand par les autres, et sa jeune épouse Lotte, portée par un fort désir de vivre et aspirant à l’insouciance, alors même que sa maladie lui rappelle que cela est impossible. Sorel parvient à rendre avec délicatesse tout l’amour et la tendresse qui unirent ces deux êtres jusqu’à la fin, et cela aussi est vraiment très émouvant.

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 30 novembre 2013


Une bande dessinée de qualité 10 étoiles

Cette bande dessinée couvre les derniers jours de Stefan Zweig. Ce dernier et sa seconde épouse Lotte s'installent au Brésil, mais l'on sent continuellement que l'écrivain souffre, se croit constamment pourchassé et a le sentiment de n'appartenir à aucun lieu. De plus, le contexte de guerre mondiale accroît cette impression.

Comme je n'ai pas lu le roman dont est inspirée cette bande dessinée, je ne peux aucunement faire la comparaison.
J'ai vraiment aimé cette bande dessinée et ce pour plusieurs raisons.
Le couple principal est un couple littéraire célèbre et entrer dans l'intimité de Stefan Zweig l'instant de quelques pages est tout simplement magique. Le couple est uni. Lotte tape le texte de son époux écrivain à la machine, Zweig se confie à son elle et lui parle de ses romans. Elle est à la fois la femme aimée et à la fois une aide dans la création de son oeuvre littéraire. Leur mort leur confère une immortalité romanesque.

De nombreuses oeuvres de l'auteur sont évoquées dans la BD et il est intéressant de voir dans quel contexte elles ont été rédigées, même si cela reste succinct. Et pourquoi pas ? C'est une bande dessinée, pas un texte critique.

Les dessins sont magnifiques et l'aquarelle embellit les vignettes. Le texte est subtil et certains passages sont véritablement touchants ( les dernières pages pathétiques évidemment ). Les planches concernant la Vienne à laquelle Zweig est attaché sont très belles aussi.

Le lecteur qui aime Zweig saura se délecter de cette bande dessinée.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 11 janvier 2013


lumière éternelle pour un monde mourant 7 étoiles

Contrairement à Bluewitch, je suis venu à cet album grâce à Guillaume Sorel et non Laurent Seksik. Cela fait en effet des années que je suis fan des planches de ce dessinateur qui n'aurait qu'un seul défaut : se faire trop rare en bandes dessinées. Quant à Zweig, je le connais finalement assez peu.

Les auteurs nous proposent une approche sensible (oui Bluewitch, tu choisis les bons mots) de celui-ci. Dans un Brésil qu'on devine virevoltant, les Zweig vivent à un rythme alangui le désespoir des nouvelles de la guerre et la progression de l'obscurantisme et de la mort.

Sorel donne un visage convaincant au désespoir. En ce qui me concerne, je considère qu'il est toujours au sommet de son art, sinon plus encore. Il décrivait par le passé des personnages aux physionomies monstrueuses. Il arrive maintenant à laisser voir de manière palpable la monstruosité qui est en l'Homme même.
Les Zweig, eux, et tous les exilés qui regardent avancer le monde vers sa fin ont, sur chaque planche, une lumière dans les yeux qui semble les consumer de l'intérieur. Et le lecteur avisé sait qu'elle continuera à brûler pour l'éternité même si la mort finit toujours par frapper.

B1p - - 50 ans - 2 mars 2012