La Vampire
de Paul Féval

critiqué par CC.RIDER, le 14 février 2012
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Roman fantastique surprenant
En 1804, à Paris, il se passe des faits étranges quai de la Tournelle. Personne n'y a jamais vu de poissons aussi gros et gras. Un pêcheur prend même un énorme brochet qui cache dans ses entrailles un doigt humain portant une baguette de grande valeur. Trois jeunes et riches étudiants allemands disparaissent mystérieusement. Une comtesse hongroise se marie plusieurs fois dans diverses églises. René de Kervoz, jeune étudiant en droit, neveu du célèbre Cadoudal, délaisse sa fiancée pour suivre une belle inconnue blonde et disparaît. La capitale bruit de mille rumeurs, les complots se multiplient et tout un chacun se demande qui est cette « Vampire » que l'on rend responsable de tout. Est-ce une femme ou deux ? Une bande de conspirateurs ou de brigands ? Ou tout simplement l'allégorie de la ville elle-même ?
Ce roman fantastique sur fond historique reste assez surprenant. Le lecteur y croisera Bonaparte au moment où il n'est pas encore empereur et où il échappe de justesse à la mort lors de l'attentat à la machine infernale de la rue Saint Nicaise. Il suivra également Georges Cadoudal, le chouan qui vient défier Bonaparte jusqu'à Paris et qui finira tragiquement. Sur cette trame historique bien réelle, Paul Féval, le romancier du célèbre « Bossu », brode une sombre histoire de vampire en s'inspirant de la terrible légende du comte Szandor. Tous les ingrédients sont donc réunis pour obtenir une histoire palpitante et terrifiante. A un détail près. Le style qui a pas mal vieilli. Répétitions, descriptions et explications deviennent vite lassantes et nuisent au rythme et au suspense. Dommage.
un conte fantastique original 8 étoiles

"La vampire existait, voilà le point de départ et la chose certaine : que ce fût un monstre fantastique comme certains le croyaient fermement, ou une audacieuse bande de malfaiteurs réunis sous cette raison sociale, comme les gens plus éclairés le pensaient, la vampire existait." Peut-être est-ce sa présence, et le relief de ses repas, qui créent la pêche miraculeuse du côté de l'île Saint Louis ? Peut-être fomente-t-elle le retour de l'Empereur, ou sa mort, qui sait ce qu'il peut se passer sous ses boucles brunes, ou blondes, on ne sait ?
En tout cas, dans le Paris de 1804, Jean-Pierre Séverin, dit Gâteloup, part sur ses traces. D'abord, parce qu'ayant toujours défendu la veuve et l'orphelin, il souhaite protéger Paris d'un monstre éventuel. Ensuite, parce que le mystère, c'est intriguant. Mais surtout parce que sa fille, la belle et pure Angèle, a perdu le sommeil et l'appétit à quelques jours de son mariage avec le beau René de Kervoz, neveu d'un Chouan recherché dans tout Paris. Et que ce dernier donne rendez-vous dans des églises à la femme la plus belle et la plus attirante, parfois brune et parfois blonde, la Vampire sans doute, ou sa sœur peut-être.
Regardez-les au tout début du livre : René marche vite, impatient, brulant d'une passion incontrôlable, littéralement subjugué par une femme, et portant le poids du remord vis-à-vis d'Angèle. Angèle, elle, peine à suivre son promis qui court en rejoindre une autre, avec son souffle court et la peur de le perdre qui lui coupe les jambes. Et Gâteloup derrière, le pied sûr et la démarche guerrière, et le cœur brisé du malheur de sa fille, bien décidé à découvrir le fin mot de l'histoire.

Pour moi, Paul Féval, c'est "Le bossu", le roman de cape et d'épées par excellence, au même titre que les fameux mousquetaires de Dumas (qui étaient 4 si je ne m'abuse, mais c'est un autre débat). Je n'imaginais absolument pas que cet auteur avait réalisé des incursions dans le monde du fantastique, et que c'était une réussite ! La Vampire, c'est un roman d'aventures, un roman historique, un roman fantastique, et un roman "policier" également, avec de l'action, de la passion débordante, de l'amour pur et désintéressé, des trahisons, des complots, de la politique, une société secrète et une meneuse charismatique. C'est aussi la description de la vie au début des années 1800, un amour immodéré pour la ville de Paris (qui est traitée comme un personnage à part entière, qui vit, frémit et ressent des émotions !), et une critique hilarante de l'administration policière de l'époque, avec des fonctionnaires dont l'incompétence semble proportionnelle avec leur place dans la hiérarchie (et pourtant, le simple troufion en tient déjà une sacrée couche).

C'est vrai que le début est un peu laborieux. Pour ma part, je n'ai pas eu de difficulté avec l'écriture de Féval, qui, bien qu'un peu ampoulée, me parait toujours élégante et parfois même poétique. Ce qui m'a gêné, un peu, est plus la chronologie des évènements, qui nous est relatée de façon un peu aléatoire, avec pas mal d'explications et de flashbacks dans les premiers chapitres, pour installer le contexte historique et politique de l'époque, ainsi que les personnages.
J'ai été en revanche charmée par le renouveau du mythe du Vampire (Bram Stoker n'avait pas encore écrit son Dracula lorsque La Vampire a été publiée) qui ne vit ou ne revit qu'en revêtant le scalp sanglant de jeunes filles assassinées (d'où la couleur changeante de sa chevelure !). La vampire apparait tour à tour comme un chef de guerre, une espionne, une amoureuse ou un monstre. Elle a ses propres buts qui ne seront dévoilés qu'à la toute fin, et malgré son pouvoir de séduction, est amenée à suivre sa propre loi.
J'ai été également très étonnée par l'imaginaire évoqué autour de la Hongrie, pays supposé originaire de la Dame, avec des personnalités exotiques, du folklore, et même des légendes, notamment celle d'Adhema. Et puis, je suis toujours amusée de ces écrivains du passé qui s'émerveillent pour les découvertes "des sciences nouvelles". Dans la Vampire, on semble croire que le salut de la santé passera par une nouvelle médecine décriée mais très efficace : l'homéopathie !

En bref, La Vampire, c'est un livre qui se situe avec bonheur au carrefour de plusieurs types de littératures, passionnant, plein de suspense et d'actions, et fantastiquement romantique ! A lire !

Pourquoi ne garderions-nous pas ces noms : Faust et Marguerite ? Qu'est le chef d'œuvre de Goethe, sinon la splendide mis en scène de l'éternel fait de vampirisme qui, depuis le commencement du monde, a desséché et vidé le cœur de tant de familles ?

Ellane92 - Boulogne-Billancourt - 49 ans - 5 février 2015