Grisbi or not grisbi
de Albert SImonin

critiqué par Noir de Polars, le 8 février 2012
(PARIS - 56 ans)


La note:  étoiles
Y vient de caner, le Mexicain, saloperie de pendule…
Résumé

Max, dit «le menteur » se la coulait douce sur la côte, mais le voici rappelé d’urgence par son vieux copain Pierrot, dit « le gros » : Fernand le mexicain n’en a plus pour longtemps, et il s’inquiète. Il demande à Max et Pierrot de devenir leurs exécuteurs testamentaires, ce qui revient à veiller sur ses affaires et assurer une rente décente à sa femme. Oui, mais voilà, les Volfoni veillent…


Les élucubrations du bertrand

Le Mexicain, j’pouvais pas dire non, mais j’commence à regretter ! Vous connaissiez pas le Mexicain ? Un homme, cézigues, un vrai ! Vingt piges qu’il s’était tiré en Amérique du sud, au nez et à la barbe des poulets qu’étaient devenus trop pressants. Là-bas, il a connu une vraie réussite d’entrepreneur, il a racheté des établissements, les a fait prospérer. Un mec bien, et y’a que les caves qui lui reprocheront que ses usines, c’était des turbins à nanas. Il a continué là bas ce qu’il savait faire ici, le mac, mais en grand. Donc, respect.
Y vient de caner, le Mexicain, saloperie de pendule… Pierrot et moi, on est réglos, donc on doit tenir son bizness en France, des rades et des tapis. Savoir que c’est surtout les tapis qui chient l’fric, parce que les michés qu’aiment le jeu au calme, ça manque pas. Au Campico, le rade du Mexicain, j’ai rencontré cette grosse chiffe-molle de Volfoni, un adipeux énorme qui peut même plus porter ses grolles tellement qu’il a mal à ses panards. Cézigues voudrait racheter les tapis au rabais… Ca va pas la tête ?
Comme on va les visiter, justement, ces tapis, on arrose ma Vedette presque neuve à la bastos, et à répétition encore ! Après, on nous fait du crade sur la péniche, un autre tapis bien discret. Tout ça, on sait qui c’est, c’est Raoul, Raoul Volfoni, c’te bibendum graisseux, c’te ordure !
On m’aura tout fait, dans ce polar. Le môme Fred, on croyait, naïfs qu’on est, qu’il avait une saine mentalité, eh ben y s’est maqué avec Volfoni, ce porc. Moi, j’voulais pas qu’on l’bute, le Fred, surtout pas comme ça, pendu. J’le vois encore gigoter, et j’en ai marre, des refroidis. C’est comme la Florence, tiens. Oh, celle-là, après lui avoir fait faire le grand écart sur mon plumard, j’croyais bien qu’elle m’avait à la bonne, et même un peu plus. Eh ben, même pas ! Une pute de chez pute, un sac à talbins dans la tocante et pis c’est tout.
Moi, j’vais vous dire, j’suis à la ramasse. Crevé de faire pan-pan avec mon magnum, rassis de croire que c’te môme elle pouvait avoir l’béguin pour mézigue, même plus envie de vengeance. Pierrot, y comprend pas ça. Y m’a même parlé d’une manière que, c’en aurait été un autre, j’l’aurais allongé. J’en ai ma claque de tout c’purin. J’raccroche et j’me refile au soleil. En passant, t’as l’bonjour de Max, t’en entendras plus causer.


Avis

Le dernier de la trilogie des « Max le menteur » est aussi le plus abouti, le plus humain, on pourrait même parler de désespoir muet et froid. Langue exceptionnelle, comme les deux autres, mais le scénario est cette fois remarquablement maîtrisé. Bref, un monument littéraire qu’on se doit d’avoir lu, même s’il n’a pas grand rapport avec le film auquel il a donné naissance, « Les tontons flingueurs », qui n’a retenu du livre que quelques bons mots et fait se marrer la France entière. Dans « Grisbi or not grisbi », on ne rit jamais, mais quel fantastique moment on passe en la compagnie d’un Max finalement très touchant.