Jardin public
de Nicole Malinconi

critiqué par Kinbote, le 5 septembre 2002
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Lieux de parole
Nicole Malinconi donne la parole à des exclus du bien parler et du bien dire, notamment à plusieurs femmes qui font profession de vendre leurs charmes. On apprend ainsi que certaines d’entre elles prennent du plaisir avec quelques clients, ce qui leur permet de supporter les nombreux autres. Elle observe les gens dans des lieux publics:
au restaurant, dans les aéroports ou les gares, là où ils sont dans un « no man's time », solitaires parmi les autres.
Cela donne une trentaine de textes de une à huit pages environ chacun, certains pouvant se lire comme des nouvelles. J'ai surtout retenu les textes suivants.
« Au restaurant », dans lequel texte un couple s'ignore en public sans qu’on devine l’élan possible qui les portera l’un vers l’autre à l’issue du repas. « Pressing » met en scène une femme qui préfère prendre grand soin de son intérieur et ignorer la liaison qu’entretient son mari avec sa sœur à elle. « A la fenêtre » raconte le point de vue d’une personne dont l’appartement est orienté au nord et qui observe la beauté de toute chose sous le soleil. Le texte qui clôt le livre, « Noces de diamant », raconte l’admission à l’hôpital de Rose auprès de Léo qui va être opéré du coeur. Rose commence à perdre la tête et la vie de Léo ne tient plus qu’à un fil. Leur couple aussi.

Dans « Le produit », l'auteure analyse l'usage qu’on fait désormais dans certains milieux, qui ne se limitent d’ailleurs plus au seul secteur commercial, d’ expressions comme « la faisabilité du projet », « finaliser le dossier », « optimisation des résultats », qui toutes sont l'oeuvre d’ « une langue fabriquée, faite pour dire que l'on agit et peut-être même pour agir déjà , dès que l'on dit, pour déjà être dans le résultat ».
Dans la tradition de Duras ou Sarraute (Duras elle-même salua son premier texte paru chez Minuit en 85 : Hôpital Silence), Malinconi creuse les comportements humains (il y a un côté enquête de terrain sociologique dans plusieurs de ces textes) jusqu’à la douleur, le point du rupture de l’ équilibre, de possible basculement dans l'irrémédiable, qui mènent alors des êtres sur des voies sans issue.

Le format du livre, paru chez "Le grand miroir", une nouvelle maison d’édition, est celui, presque carré, des « Poètes d'aujourd'hui » de chez Seghers ou des anciens manuels pratiques Marabout: idéal pour les poches, pour lire. dans les lieux publics.
En exergue de ce petit livre, une citation de Céline : « Dans tous les coins des jardins publics, il y a comme ça d'oubliés des tas de petits cercueils fleuris d'idéal, des bosquets à promesses et des mouchoirs remplis de tout. » Un manuel de savoir regarder et écouter qui tient les promesses de son exergue !
Grave ou léger? 7 étoiles

Il y a dans ce recueil de courtes nouvelles de Nicole Malinconi une première impression à la Delerm. A savoir que l'auteur nous parle de Monsieur et Madame Tout le Monde, nous raconte des scènes de la vie de tous les jours, met l'accent sur des éléments anodins... bref, cela pourrait ressembler à de la "littérature anodine". Sauf que, comme Anne Rivier et ses chroniques de "Malley-sur-Mer", Nicole Malinconi ne place pas la priorité dans l'emballage du produit et l'esthétisme qui ferait joli, mais mise sur le fond, le contenu qui prend toute ses forces dans l'écriture. On s'éloigne donc assez vite de Delerm pour s'enfoncer dans un univers extérieur et pourtant assez proche du nôtre. Ces gens, ces êtres qui composent ce livre pourraient être nous, dans la plupart des cas, ils nous ressemblent et ce sentiment crée une impression de proximité qui autorise un plongeon tête baissée dans ces pages remplies de douceur, mais aussi de force et de lucidité.
L'écriture de Malinconi est belle, légère et grave à la fois. Elle nous promène au gré des scènes dans son monde et sonde l'âme humaine sans concession ni voyeurisme. A explorer, assurément!

Sahkti - Genève - 50 ans - 4 mai 2005


Oui, "elle creuse les comportements humains jusqu'à la douleur" 8 étoiles

Une petite merveille ce recueil!
a découvrir, à lire et à relire.

Ninon - Namur - 71 ans - 15 avril 2004