La Tour d'arsenic
de Anne Birkefeldt Ragde

critiqué par Oops, le 26 janvier 2012
(Bordeaux - 58 ans)


La note:  étoiles
Une chronique familiale grinçante !
Thérèse la petite fille de Malie nous parle de sa grand-mère qui vient de décéder à Copenhague. Elle tente de comprendre cette femme qui n'inspire que haine à sa mère Ruby et à son oncle Ib, alors qu'elle a toujours éprouvé une grande tendresse pour cette affectueuse grand-mère qui a toujours pris soin d'elle. Pour cerner les sentiments contrastés qu'inspire cette grand-mère controversée, l'auteur dissèque l'enfance et la jeunesse de Malie élevée dans une auberge, qui s'enfuit avec une troupe de théâtre à l'adolescence pour terminer chanteuse dans un cabaret jusqu'à ce que sa vie libertine la contraigne à se marier à Mogens un fils de pasteur peintre sur porcelaine et non le photographe de renom dont elle était si amoureuse ! Elle aura une fille, Ruby (maman de Thérèse) et un garçon Ib sur lesquels elle reportera cette haine de la femme qu'elle est devenue, elle qui rêvait de gloire et de paillettes. Au travers de ces trois générations de femmes, l'auteur nous dévoile une chronique familiale grinçante, des portraits puissants qui divisent ou enchantent selon son degré de sensibilité. La plume de cet auteur est toujours aussi incisive, elle a vraiment un don pour décrire les sentiments familiaux empoisonnés, comme elle l'avait déjà fait dans sa précédente trilogie de Neshov "La terre des mensonges".

Anne Birkefeldt Ragde est née en Norvège en 1957. Auréolée des très prestigieux prix Riksmal (équivalent du Goncourt français), prix des Libraires et prix des Lecteurs pour sa "Trilogie de Neshov" publiée aux éditions Balland, traduite en 15 langues.
Cet auteure est décidément un phénomène ! 9 étoiles

Une phénomène pluri -ouverte !
J'ai adoré : la trilogie des "Neshov" et "Je ferai de toi un homme heureux", j'ai en réserve " Zona frigida" pas encore lu !
Quelle puissance d'évocation chez cette femme qui se permet de pénétrer des univers différents dans lesquels elle se coule de façon extraordinaire de connaissance, compétences et qualité d'écriture.
Après la ferme dédiée à l'élevage de porcs, l'approche des femmes enfermées dans le monde étroit du politiquement correct, elle nous ouvre, dans "La tour d'arsenic" une approche cruelle de la "mère originelle" qui a échappé à son milieu pour vivre le confinement d'un autre ! Et la petite-fille ne peut qu'être perdue dans une histoire familiale pleine de douleurs et de non-dits.
Je ne peux qu'être en total respect pour la qualité de ce que nous offre, dans ce nouvel ouvrage, Mme B RADGE.
Du sublime dans les tâtonnements de chacun de ces personnages qui tentent de se reconnaître autour de la mort de : la "monstre ? la trop humaine ? " qui leur doit la vie ?
Un très bel ouvrage !

DE GOUGE - Nantes - 68 ans - 21 octobre 2015


Quand les mères n'étaient pas à la fête ... 9 étoiles

On avait découvert la norvégienne Anne Birkefeldt Ragde avec Zona Frigida qu'on avait beaucoup aimé et on s'était dit que le bouquin suivant mériterait certainement un petit coeur ...
C'est chose faite.
Pourtant voilà bien un roman différent : autant Zona Frigida était plein d'humour (noir), autant La tour d'arsenic tient plus de la sombre saga familiale.
Trois ou quatre générations de femmes scandinaves défilent : un siècle de condition féminine.
Un siècle qui ne fut sans doute pas le meilleur.
À tel point que l'amour maternel doit parfois, sauter une ou deux générations.
Le bouquin s'ouvre sur l'annonce du décès de la grand-mère Malie.

[...] Ma mère me téléphona pour m'annoncer la nouvelle :
- Maman est morte.
Puis elle se mit à rire. Longuement. Un rire sonore et rude, entrecoupé de respirations.
- Grand-mère est morte ?
- Oui ! Ce n'est pas formidable ?

La mère Ruby, jubile.
La fille Thérèse, pleure une grand-mère qui l'aimait plus que sa propre mère.
Et Anne B. Ragde va nous emporter dans les recoins sombres du passé, nous faire découvrir peu à peu (le bouquin est particulièrement bien construit) toute l'histoire de ces femmes du nord.
Ça se lit presque comme un thriller à suspense et, avide de découvrir les secrets de chacune de ces femmes, on dévore ce gros bouquin sans pouvoir le lâcher : d'emblée on comprend que Ruby se réjouit de la mort de sa mère qui ne l'aura jamais aimée et encore moins désirée. Malie était chanteuse de cabaret et sa carrière fut brisée par la venue de Ruby qui se trouvera à son tour bien incapable d'apporter un peu d'amour à sa propre fille. Et l'histoire est forte et âpre et dure, et l'on veut tout savoir de ces femmes, comment Malie est devenue chanteuse de cabaret, de qui est née Ruby, pourquoi Thérèse se prénomme ainsi, ...
Le grand-père aura droit lui aussi à quelques pages : c'est lui qui peignait le bleu sur la porcelaine, le bleu de cobalt obtenu dans les fours à arsenic. Mais s'il est un peu question d'arsenic, il n'est malheureusement pas question de dentelles et c'est dans le sang des femmes et des mères que coule le poison : le sang des douleurs menstruelles, le sang des accouchements difficiles et celui des avortements clandestins, ...

[...] En danois, une tâche de naissance se dit modermoerke, “marque de la mère”. La naissance, de ce fait, lui est davantage associée.

Lorsque le décès de la grand-mère survient, Thérèse est maman d'un petit garçon : le fil de l'héritage maudit semble enfin rompu et on espère sincèrement qu'il sera plus facile d'être mère dans ce nouveau siècle qu'au cours du précédent.

BMR & MAM - Paris - 64 ans - 6 décembre 2012


"Lignes de faille" norvégiennes 8 étoiles

C'est la construction de ce livre qui m'a rappelé l'excellent roman de Nancy Huston.
Le premier et court premier chapitre nous présente une famille dont la grand-mère vient de décéder. Mais si la petite fille Thérèse, maman de Stian est chagrinée, la mère de Thérèse, Ruby, fille de la défunte Malie, semble, elle, très heureuse.
Le voyage au Danemark des deux femmes, les retrouvailles avec son frère Ib et l'inventaire de la maison familiale vont être l'occasion de remonter le temps.

Les parties se succèderont, nous permettant de lire la jeunesse de Ruby, le chapitre le plus long et pour ma part celui que j'ai préféré. Nous permettant aussi de comprendre pourquoi la mort de sa mère est une source de joie.
Nous comprendrons ensuite pourquoi Malie est devenue une mère indigne en prenant connaissance de sa jeunesse et de son enfance.
Et beaucoup de tendresse pour la vie du seul homme de cette série de portraits, l'aimable Mogens, mari de Malie et passionné de peinture sur porcelaine.
La Tour d'arsenic est le nom que portait la tour, où le minerai, une fois chauffé produisait le bleu de cobalt à la même température que l'arsenic. Le bleu de cobalt utilisé avec tant de soin et d'admiration par cet homme discret.

Un roman touchant, loin de la saga Neshov, avec de beaux et attachants portraits à travers 4 générations.
Un léger reproche cependant sur la qualité de la traduction; quelques erreurs grossières et surprenantes ainsi que quelques fautes d'impression (crucifiement?, voulait donnait...).

Marvic - Normandie - 66 ans - 1 novembre 2012