Zone
de Marcel Dubé

critiqué par Montréalaise, le 24 janvier 2012
( - 31 ans)


La note:  étoiles
Jeunesse rebelle, jeunesse éternelle
Dans les années 50, à l'extrême sud du Québec. Une bande de jeunes Montréalais de la rue, vivant dans un hangar près de la frontière américaine, pratique la contrebande de cigarettes pour gagner de l'argent. Mais tout bascule lorsque leur chef, surnommé Tarzan, 21 ans, assassinera un douanier afin de traverser la frontière, ce qui plongera le groupe dans une enquête policière. Parallèlement, une histoire d'amour se forge entre lui et Ciboulette, la fille du groupe, âgée de 16 ans.

Cette pièce ne vieillira jamais parce qu'elle continue toujours à interpeller des enjeux sociaux qui nous sont proches, même si elle a été écrite il y a de cela une soixantaine d'années. Pour cette raison, la lecture m'a beaucoup plu et enchantée, moi-même étant une jeune urbaine qui a su rapidement s'attacher aux personnages, de jeunes racailles délaissés par la vie dure de la ville et une époque qui refuse de porter attention à leur détresse.

Voilà peut-être une des raisons qui explique pourquoi « Zone » est une des pièces les plus célèbres de Marcel Dubé. Mais tout cela ne pourra l'être sans cette grande place accordée aux sentiments et à la psychologie de chaque personnage, en particulier Tarzan et Ciboulette, sentiments très bien illustrés dans un langage mélangeant gouaille urbaine et esthétisme poétique.

Si vous aimez vous plonger dans un environnement proche de « West Side Story », créé dans la même décennie (la jeunesse de la rue, la criminalité, la pauvreté, le crime, l'amour, la mort...), voilà une oeuvre que vous allez énormément apprécier.

« CIBOULETTE - C'est lui qui va gagner, c'est lui qui va triompher... Tarzan est un homme. Rien ne peut l'arrêter : pas même les arbres de la jungle, pas même les lions, pas même les tigres. Tarzan est le plus fort. Il mourra jamais. »
Les Jeunes dans un cul-de-sac 10 étoiles

Montréalaise a fort bien présenté ce succès théâtral de Marcel Dubé. Avec cette pièce, le dramaturge est monté aux barricades pour s'attaquer au cul-de-sac qu’affronte la jeunesse. Que faire de sa vie quand les modèles ont disparu et que les soutiens parentaux et sociaux se sont effouérés (effondrés) ? Laissés à eux-mêmes, il ne leur reste que l’illégalité pour se positionner dans la société. La pièce n’a pas pris un pli depuis sa présentation en 1952.

Aujourd’hui, la contrebande de cigarettes existe toujours. Ce sont les cigarettes à plumes, celles fabriquées par les Amérindiens que les fumeurs s’arrachent des revendeurs clandestins. À la problématique se sont ajoutés les pushers. Et dans les écoles, les jeunes pratiquent l’extorsion que l’on désigne au Québec sous le nom de taxage. Du haut au bas de la pyramide, les jeunes sont victimes de l’exploitation ou ils s’exploitent entre eux. Sur ce plan, ils sont drôlement dangereux. On n’a qu’à penser à la série des films Pusher. Autrement dit, les jeunes jouent avec le danger pour s’ouvrir une voie vers la maturité. Curieux paradoxe que souligne Marcel Dubé !

Ses personnages ne s’amènent pas comme un cheveu sur la soupe. Il a peaufiné leur profil psychologique tragique pour bien illustrer que la dynamique ne touche pas uniquement un échantillon de ce groupe d’âge. L’éventail est tellement large que tous peuvent craindre d’apprendre un bon jour que leurs enfants dealent leur corps ou des produits illicites.

Marcel Dubé est un as de la dramaturgie. Il sait écrire une pièce classique dans un français normatif sur des sujets populaires. Il ne joualise pas (pas de québécismes).

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 25 janvier 2012