L'imposture informatique
de François de Closets, Bruno Lussato

critiqué par Bolcho, le 1 septembre 2002
(Bruxelles - 76 ans)


La note:  étoiles
Méchant IBM, méchant Microsoft, à la niche !
François De Closets a acheté un Apple II en 1980. Un technicien lui a montré le fonctionnement pendant une heure et l'auteur a ensuite utilisé cette machine pendant des années, sans le moindre problème. Aujourd’hui, il est obligé (un peu comme nous tous, non ?) de changer de PC tous les deux ans et sa machine se plante plusieurs fois par semaine. En échange, il peut avec sa grosse bête monter des films, faire de la musique, s'énerver sur des jeux trépidants où il s'agit de tuer beaucoup de méchants dans un environnement de plus en plus réaliste, bref, faire toutes ces choses qu’il ne fait jamais, lui qui se contenterait volontiers d’une machine exclusivement « de bureau », à l'aise dans l'Internet,
facile à manier, légère (en poids et en prix), solide, indémodable et dont les logiciels seraient suffisamment anciens pour avoir terminé leurs maladies de jeunesse. Pas question de trouver cela sur le marché, et quand bien même on le trouverait, pas question de pouvoir s'en contenter si l'on veut continuer à communiquer avec autrui, car autrui, précisément, change régulièrement sa machine pour rester à la mode. Et c'est une mode au sens où il y a changement sans progrès. Du trompe-l'œil.
Pour nous expliquer cela, l'auteur nous parle de la domination successive de IBM puis de Microsoft. Et au passage il nous rappelle par exemple, que l'information c'est l'improbabilité. La probabilité, c’est de la redondance. En ce sens, il y a plus d’information dans un texte tapé par un singe que dans celui tapé par un poète. Comme quoi la valeur intellectuelle n’est pas réductible à la quantité d'information. (oui, c’est à la grosse bête aux 40 gigas que je parle).
Il commence à y avoir maintenant des machines (le Netbook pour être précis) qui se dégagent de la toute puissance (on parle même d'« obésitiels »…) de Microsoft. Des ordinateurs petits (plus petits que le format A4), légers (1 kg), avec une vingtaine d'heures d’autonomie et qui travaillent dans l’instantané (tout est sur carte flash, fini le petit sablier), spécialement conçus pour être branchés sur Internet et surtout ne se plantant jamais. Je sais, pour ce qui est de la dernière caractéristique, vous n’y croyez pas vraiment. C'est pourtant ce que le livre nous affirme à plusieurs reprises.
Sans doute ce bouquin convient-il avant tout aux béotiens en informatique, dont je suis. Il est sans prétentions littéraires mais écrit avec légèreté et humour. Et aussi un rien de saine rage anti-bêtise. Je vous en livre un extrait très politiquement incorrect pour finir.
« Ces positions dominantes, qui prennent généralement la forme d’oligopoles, sont aujourd'hui très à la mode. (.) Pas un jour sans qu'on annonce la « supermégafusion » qui fera naître un géant de plus et disparaître, par la même occasion, deux colosses jugés trop faibles et fragiles (.). Le credo officiel veut que les consommateurs soient les grands bénéficiaires de cette massification du capitalisme. Nous devons croire bien pieusement que ces ensembles planétaires favorisent la mise en commun des moyens de recherche et développement, permettent de réaliser des économies d'échelle impressionnantes, des gains de productivité gigantesques, d'opérer des rationalisations à divers niveaux, bref, améliorent l’organisation de la production, et par là-même la qualité des produits. (.) Les chantres de ce néocapitalisme ne semblent pas remarquer qu’avec de tels arguments ils rejoignent les idéologues du Gosplan qui, à la belle époque, démontraient ainsi la supériorité de la planification soviétique sur les gaspillages de la concurrence libérale… » (p 73). D'ailleurs, moi, je continue à le dire, mais c’est une autre histoire.
Bon, d’accord, ce passage-ci n’est ni léger ni humoristique, j’en conviens. On ne peut pas rigoler de tout quand même.
Clients = Otages ? 7 étoiles

Un extrait qui résume le livre : « S’il n’avait pas été dévoyé, l’ordinateur aurait dans ce pays autant d’utilisateurs que le téléphone. Voilà ce qu’un ordre pervers a empêché en détournant la technique de son idéal social pour l’orienter vers son optimum financier ».
La mainmise des IBM et autres Microsoft ont rendu l’ordinateur hyper puissant, mais inutilement complexe et trop cher (la baisse des prix, bien réelle, aurait dû être supérieure encore), apportant de plus en plus de fonctions dont on n’a pas besoin.
Un ordinateur simple, bon marché, serait dans la plupart des cas largement suffisant.
Outre ces considérations, les auteurs nous résument l’histoire, déjà fournie, de l’aventure informatique. Les fournisseurs, qui ont dicté leur loi intéressée et égoïste aux consommateurs, utilisant des moyens pas vraiment moraux, ont aussi fait d’énormes erreurs : IBM n’a pas cru au micro-ordinateur, Microsoft n’a pas cru à Internet.
Un livre riche en anecdotes, et qui apportera peut-être une certaine lucidité, utile si l’on doit acquérir une nouvelle machine. Quant à la prospective (l’ouvrage a été publié en 2000), on constatera qu’elle ne s’est pas vraiment confirmée…

Bernard2 - DAX - 75 ans - 17 décembre 2007


Ouch, on n'en a pas fini... 6 étoiles

Le problème avec IBM et Microsoft, c'est qu'il ne s'agissait ni de compétences, ni de performances, ni de potentiel humain mais plutôt de "autre", et, en l'espèce, du fait qu'elles étaient les premières arrivées. L'effet était double et contradictoire: - cette position "qualitativement imméritée" tirait la technologie vers le bas; - le fait même d'avoir le monopole avait un effet positif que Darius souligne avec beaucoup d'à propos: un effet d'unification des standards techniques. Il faudrait dans l'idéal (et je parle là d'un idéal qui n'est pas le mien puisque l'on reste dans le cadre de l'économie de marché...) pouvoir simultanément, d'une part imposer la concurrence qui a un effet positif (en théorie) sur les prix et sur l'essor technologique, et d'autre part avoir recours à la réglementation étatique qui pourrait imposer des normes techniques telles que toutes les avancées resteraient compatibles entre elles. Mais -et l'angoisse m'étreint- ne sommes pas en train de sortir du rôle que s'assigne ce site, et pour qui sont ces serpents qui sifflent sur ma tête ?

Bolcho - Bruxelles - 76 ans - 1 septembre 2002


le problème des positions monopolistiques 8 étoiles

Bien d'accord avec toi pour les méfaits des mégafusions.
Mais il ne faut pas non plus confondre une mégafusion qui donne naissance à une société monopolistique et une société qui, de par ses compétences, ses performances, son énorme potentiel humain ou autre en vient à acquérir une position monopolistique par manque de concurrents sérieux. Je ne connais pas suffisamment Microsoft, mais je crois que le consommateur y perdrait si elle devait perdre son monopole car les recherches iraient dans des sens opposés et les utilisateurs se retrouveraient face à des logiciels ou base de données différents et incompatibles. Comment pouvoir communiquer entre entreprises qui disposent de matériel différent ? Je me souviens d'ATT (American Telephone Transmission) qui, en vertu d'une loi américaine sur l'interdiction des monopoles a dû être scindé en une foule de petites sociétés. Il en est résulté que ce sont les consommateurs qui ont été perdants car il a fallu créer des tas de sociétés qui avaient des vies propres ce qui augmentait les coûts pour le consommateur.
Avec Microsoft, c'est ce que la justice essayait de faire en appliquant la loi anti position monopolistique.. J'ignore où en est l'action en justice, mais je sais que le consommateur en sortirait perdant, c'est pour cela que la justice traine à rendre son verdict.

Darius - Bruxelles - - ans - 1 septembre 2002