L'étrange histoire de Sir Hugo et de son valet Fledge
de Patrick McGrath

critiqué par Bluewitch, le 31 août 2002
(Charleroi - 45 ans)


La note:  étoiles
Un roman d’atmosphère
Un roman de méditation, de spéculations, de dégradation, un cadre sombre, celui de l’Angleterre des landes et des marais, des personnages étranges, difficiles à cerner, tous un peu fous mais suffisamment intrigants pour nous mener à bout de ce roman qualifié de « néo-gothique ». Dans la lignée d’Edgard Allan Poe, Patrick McGrath se plait à planter son histoire dans un étrange décor.
Sir Hugo est un homme taciturne, cynique et misanthrope, dont la vie affective est depuis bien longtemps passée au second plan. Il passe le plus clair de on temps avec les ossements d'un dinosaure, en paléontologue amateur qu'il est. Sa femme semble pour lui faire partie des meubles et sa fille, qu'il aime beaucoup, a ramené un « fiancé » digne de grincements de dents, un jeune mollasson nommé Sidney.
Pour couronner le tout, c'est l'arrivée au manoir de Crook du nouveau valet, Fledge, homme flegmatique et lui apparaissant aussitôt comme antipathique, ainsi que de son épouse Doris, femme bonne mais alcoolique.
Lorsqu’il nous conte son récit, sir Hugo est cloué dans un fauteuil roulant, terrassé qu’il fut par un accident vasculaire cérébral. Désormais considéré comme un légume, monstre voûté et grimaçant, « grotesque » (titre de la version originale « The Grotesque ») il laisse ses pensées errer au gré de son imagination et c’est ainsi qu'il nous donnera sa version des curieux événements qui se produiront dans son château, avant et après son accident. Des efforts de son valet pour l’évincer dans sa maison comme dans son lit (bien que lui et son épouse fassent chambre à part depuis des lustres) au mystérieux décès de l’ami de sa fille, tout est sujet à tergiversation, parfois même délire, si bien qu’on ignore où sont les faits exacts et où sont les conjectures…
Si l’atmosphère est effectivement envoûtante et le caractère grinçant du narrateur accrocheur, je reste un peu sur ma faim face à ce récit qui, semblant vouloir d’une certaine manière nous laisser une liberté d’interprétation de certains événements, ne nous oblige néanmoins à suivre une voie implicite, tout en ne donnant pas de réelle réponse aux mystères qu’il se plaît d’installer. Le style de l'auteur ainsi qu'une certaine originalité que je ne peux pas ne pas reconnaître, lui ont pourtant valu beaucoup de succès avec ce premier roman, qui devrait plaire aux amateurs et m’a offert, malgré tout, une agréable lecture.
Trouvé en bouquinerie, j'ignore s’il est encore possible de se le procurer autrement, si ce n’est en version originale.
Fabuleusement étrange ! 10 étoiles

Un livre étonnant : nous entrons dans cet univers, plutôt glauque, par l'esprit d'un homme muré dans son incapacité à communiquer suite à un AVC.
Ce savant, pas vraiment sympathique, nous offre "sa" version de son entourage : qu'en est-il réellement ? La perspective est ouverte ....et c'est fascinant !
Un écrit d'une rare qualité (j'avais déjà adoré de Mc Grath : L'asile)
des approches bouleversantes jusqu'à l'absurde, des notions d'amitié, de crédibilité dans le monde des savants, de relations familiales et domestiques ....
Et un grand morceau d'anthologie dans la description, quasi minutée, des effets de l'alcool sur une personne dépendante !
Cet aspect, tragiquement réel, mérite à lui seul, une approche particulière dans la lecture de ce livre, mais bien sûr, l'ouvrage recèle, par ailleurs, tout un pan de violence, de réalité et d'autres constructions superbes à saisir !
Du grand art !
On ne peut rester indifférent ............

DE GOUGE - Nantes - 68 ans - 2 novembre 2012