L'art en exil
de Georges Rodenbach

critiqué par Eric Eliès, le 7 janvier 2012
( - 49 ans)


La note:  étoiles
La solitude du poète incompris
Ce court roman, extrêmement poignant par le désespoir et les épreuves du personnage principal, se nourrit aussi des frustrations et des ambitions de l'auteur, Georges Rodenbach, qui renonça à une carrière d'avocat pour se vouer à la Poésie. Il rencontra bien davantage de succès que le malheureux héros de son roman mais sa poésie, très fortement marquée par le symbolisme et un romantisme sombre, n'est plus (comme celle de Jean Moréas ou Albert Samain), de celle qu'on lit aujourd'hui (j'ai dans ma bibliothèque l'édition en 2 tomes parue chez Mercure de France au début du XXème siècle mais je ne suis pas sûr qu'elle ait été ré-éditée).

Le roman de Rodenbach raconte l'histoire de Jean Rembrandt qui décide, au grand désespoir de sa mère, de renoncer à ses études et de consacrer son existence à la poésie. Ame mélancolique et inquiète, à la sensibilité exacerbée, il rêve d’écrire une œuvre qui contiendrait la douceur et les nuances des paysages brumeux des Flandres, et leur silence. Mais il rêve aussi d’amour… Un soir, il écoute une béguine chanter et jouer de l’orgue, alors qu’elle se croit seule dans l’église. Emu par sa beauté et par sa tristesse, il la suit puis cherche à la revoir. Il finit par l’épouser mais leur vie conjugale est un échec : il ne trouve pas auprès de son épouse, Marie, la confidente qui comprendrait sa poésie et à qui il pourrait parler librement, en oubliant le mépris de ses contemporains qui se moquent de la poésie et lui préfèrent des médiocres. Son épouse, qui reste marquée par le béguinage, s’enferme dans le silence afin de ne pas importuner son mari. Un jour, elle meurt d’un étouffement du cœur. Jean Rembrandt, déjà hanté par l’idée du suicide, s’isole alors du monde, qui le dégoûte. Il retourne chez sa mère, et se lamente de n’avoir pas assez pris soin de Marie, de ne pas lui avoir assez dit combien il tenait à elle. Après la mort de sa mère, Jean Rembrandt s’enferme dans sa chambre où, dans une sorte d’ivresse métaphysique et mystique, il cherche par des prières vers Dieu à apaiser sa peur et ses remords. Il a renoncé à son oeuvre, brûlé ses brouillons, et s’avoue vaincu par l’inertie de la vie provinciale, comme son ami Walburg, un musicien qui, dans sa jeunesse, avait montré du génie.