Maigret et l'affaire Nahour
de Georges Simenon

critiqué par Noir de Polars, le 2 janvier 2012
(PARIS - 56 ans)


La note:  étoiles
Quand Maigret ne parle pas la langue qu'il faut
Le mot de l'éditeur

En pleine nuit, le docteur Pardon alerte son ami Maigret : un inconnu vient de lui amener une jeune femme, Lina, légèrement blessée par balle. Puis le couple a disparu, donnant de la blessure une explication très sommaire... Le lendemain, un Libanais du nom de Félix Nahour, joueur professionnel, est découvert assassiné, dans son hôtel particulier. Il n'était autre que le mari de la jeune. femme, dont la police retrouve la trace à Amsterdam, où elle s'est enfuie avec son amant, Vicente, un étudiant colombien. Nahour a-t-il tiré sur sa femme, comme celle-ci le prétend, parce qu'elle voulait demander le divorce ? Faut-il croire le secrétaire de Nahour, aux yeux de qui le meurtrier est évidemment l'amant de Lina ? Maigret ne parvient pas à se contenter de ces explications trop claires. Il lui faudra toute son intuition pour comprendre la mentalité des étrangers dont il s'occupe, et tout son. ascendant pour leur faire avouer peu à peu la vérité.

L'élucubration du bertrand

Maigret est plus ou moins à l’aise dans les milieux qu’il est amené à fréquenter, Georges Simenon de même semble-t-il, car à aucun moment le souffle que nous aimons tant, l’ambiance qu’il réussit à créer dans presque tous ses romans ne passe vraiment ici. Rassurez-vous, ça reste du Simenon, c’est donc très bien fait, mais la pâte ne lève pas complètement.

Maigret n’aime pas l’enquête dont il est chargé, c’est visible. Il ne l’aime pas parce qu’il est confronté à deux éléments qu’il juge en négatif. Le milieu d’abord : bourgeois, mais pas le bourgeois qu’il connait, car ici c’est du bourgeois international, insaisissable, du bourgeois qu’il ne connait pas, qu’il n’a jamais approché auparavant. La langue ensuite : ces gens là parlent soit l’arabe, soit l’espagnol, soit le néerlandais, pas facile dans ces conditions de percevoir les nuances, de se convaincre d’instinct.

Cette enquête, il la maitrise difficilement. Les personnages mentent presque tous, chacun dans leur langue, ou font semblant de ne pas comprendre. Qui a bien pu tuer Félix Nahour, né d’un père banquier mais qui s’est révélé dans le jeu, en a fait sa profession et s’y est enrichi ? Sa femme, un bel objet blond épousé pour s’afficher aux côtés de son maître ? La femme de chambre de cette dernière, qui est moins idiote qu’elle ne l’affiche ? La bonne, fielleuse parigote qui méprise, voire hait, tous ces gens trop riches ? Le frère du mort, banquier lui aussi, qui avait intérêt au décès de son aîné ? L’amant, qui n’en pouvait plus de voir madame Nahour malheureuse ? Le secrétaire du défunt, ombre maléfique de la maisonnée ?

Cela, vous le saurez en lisant « Maigret et l’affaire Nahour » … Eh bien non, vous ne le saurez pas vraiment, car si la conviction de Maigret est faite, les preuves manquent. D’ailleurs Maigret ne doute-il pas un peu de sa propre conviction ? D’ailleurs, Simenon est-il si sûr de la construction de sa trame romanesque ? C’est là que le bât blesse, ce scénario sent un peu trop le tâtonnement, respire l’indécision du final.

Ce n’est pas un mauvais livre, parce que rien chez Simenon n’est petit ou mal fait, mais on a connu tellement plus fort !
Une tragique histoire d'amour ... 9 étoiles

Une nuit d’hiver, le docteur Pardon, grand ami de Maigret, ouvre sa porte à un couple dont la femme est blessée par une balle. Le lendemain, on retrouve assassiné une certain Nahour, d’origine libanaise et joueur professionnel. Nous apprenons que la dame blessée n’est autre que l’épouse de Nahour. Qui a tiré sur elle ? Qui a tué Nahour ? Qui est au juste ce Fouad, bras droit de Nahour ? Une « tragique histoire d’amour « plutôt qu’un vrai polar de chez polars mais la lecture en est agréable tout de même.


Extraits :

- Louise Bodin entra le visage buté, avec une expression de défi. Maigret connaissait ce type-là, celui de la majorité des femmes de ménage de Paris, des êtres qui ont souffert, que la vie a malmené et qui, sans espoir, attendent une vieillesse encore plus pénible. Alors, elles se durcissent et, méfiantes, en veulent au monde entier de leur malheur.

- ( à propos de la choucroute faite-maison de madame Maigret)
Vingt minutes plus tard, Maigret, attablé en face de sa femme, dégustait une savoureuse choucroute à l’alsacienne comme on n’en trouve que dans deux restaurants de Paris.

Catinus - Liège - 73 ans - 9 juin 2015