Un petit bourgeois
de François Nourissier

critiqué par Teacher, le 24 août 2002
(Pulnoy - 58 ans)


La note:  étoiles
AVEUX
Autobiographie? Mémoires? Ni l'un ni l'autre. Il faut dire que lorsque François Nourissier écrit cet ouvrage en 1963, il n'a pas l'âge d'écrire ses mémoires: il n'a que 36 ans. Mais voilà :c'est à cet âge-là à peu près que son père est mort brutalement et il n'a guère de souvenirs de lui. Père de deux enfants et hypocondriaque, il décide de se "raconter à eux, de dresser à leur usage un inventaire moral" en cas de mort prématurée. C'est pourquoi son écriture est guidée avant tout par un souci absolu de vérité, de sincérité, d'honnêteté aux dépens parfois de l'image qu'l pourrait donner de lui même.
Une autobiographie est en règle générale une façon de parler de l'Histoire et des autres et ainsi de justifier (voire excuser) son propre parcours. Ici, en fait, il parle vraiment de lui, sans concessions, en mettant en avant davantage ses sensations à différents moments de sa vie que les faits eux-mêmes. C'est l'Histoire qui s'inscrit dans son parcours et non l'inverse. Ainsi, les chapitres ne suivent pas une chronologie rigoureuse mais semblent au contraire indépendants les uns des autres, comme s'il s'agissait de petits essais -soit à portée philosophique, soit poétique, soit sociologique-. De plus, il focalise l'attention sur ce qui semble être des détails ( il consacre des chapitres entiers à ses cheveux, aux maisons, aux gestes et à son nom) mais qui en fait est fondamental, bien plus que les évènements (historiques ou familiaux)habituellement décrits dans une autobiographie.
D'origine bourgeoise, il gratte le vernis bourgeois qui l'a façonné et met à nu l'homme qu'il est. Son souci d'honnêteté le conduit à des propos qui pourraient être choquants et passer pour de la provocation ( dont la seule légitimité serait de choquer le bourgeois comme on dit) mais ceux-ci sont tempérés par un style assez soutenu, "bourgeois" pourrait-on dire,mais aussi et surtout imagé et quasi-poétique, où dans une même phrase les contradictions et les paradoxes de l'homme sont parfaitement rendus. Si le style peut paraître "bourgeois",ce n'est qu'apparence car il est au service d'un
propos qui lui ne l'est pas car l'auteur ne cherche pas à imposer une idéologie mais à rendre la vérité, à faire ses aveux .
Une auto-définition 7 étoiles

Ce livre est l'occasion de se décrire, principalement à ses enfants, également à ses lecteurs, pour ne pas créer le manque qu'il a vécu du père qu'il n'a pas connu. Plus qu'une autobiographie, l'auteur livre des bribes de lui-même, des instants de vie qui l'ont forgé, il y décrit ses transformations physiques, sa conception de l'amour et de l'amitié, délivre et justifie ses goûts, à la loupe.
Cette série de détails, quelque peu décousue, n'est pas inintéressante. Elle dépeint une certaine France, un peu passéiste et surannée, cossue mais sans fard, qui évite le luxe et le sud notamment, et qui recherche les menus plaisirs, parfois austères. Cela donne l'idée de comment vit un jeune sous l'Occupation, comment se constitue un écrivain. Après, tout n'est pas utile, loin de là. La lectrice et le lecteur butinent entre les étapes d'une vie française, bourgeoise, simple et honorable. Ce n'est pas sans intérêt.

Veneziano - Paris - 46 ans - 24 février 2013