Georges et Louis romanciers, Tome 1 : Georges et Louis racontent
de Daniel Goossens

critiqué par Blue Boy, le 15 décembre 2011
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Les rois du banafoque
Ils racontent beaucoup de choses Georges et Louis, surtout Louis en fait, qui ne manque jamais occasion de se rendre intéressant tout en étant d’une banalité à pleurer… de rire… En fait il s’agit d’une banalité tout à unique, inédite même, peut-être devrait-on même inventer un mot pour décrire cela : le "banafoque", mélange de banalité et de loufoque… Georges, lui, écoute surtout son compère débiter ses inepties. Son talent : se montrer compréhensif et diplomate (du moins essayer), tout en écartant une à une les propositions du pauvre Louis, car lui seul semble être assez lucide sur les chances de succès de leur entreprise commune…

Dans ce premier tome, Louis se prendra de passion pour les moines, soupçonnant chez eux une « richesse d’âme ». C'est ainsi qu'il n’hésitera pas à porter la « tunique en sacs de pommes de terre avec une capuche » pour s’infiltrer dans un monastère. Cette passion, aussi intense qu’éphémère, débouchera sur un pitch cendrillonnesque : l’histoire du moine Grégoire qui gagnera le droit d’avoir sa photo sur une boîte de camembert grâce à un grand bal organisé dans un royaume indéniablement fictif ! On enchaînera sur un représentant assez peu digne du peuple des hommes-oiseaux, qui à cause de sa fâcheuse tendance à se prendre les ailes dans les grands fonds marins, deviendra un homme-poisson pour finir en tranches sur l’étal d’un poissonnier... waou, ça fait pas envie ? Louis grâce à son culot plus qu’à son talent, finira même par convaincre un producteur de tourner un film sur… sur quoi au fait ? ah oui ! La Fo-rêt mys-té-rieuse… je ne vous dis que ça…

A vrai dire, toutes ces saynètes sont largement irracontables, il faut juste les lire pour croire que ça pouvait exister… enfin pas avant Goossens en tous cas, qui s’amuse comme un fou avec tous les clichés de la vie…C’est décalé à souhait, on hésite entre la perplexité et le fou-rire, et c’est bien souvent le second qui l’emporte.
Une sorte de variation sur "Bouvard et Pécuchet" en BD 10 étoiles

La série des "Georges et Louis romanciers" est extraordinaire et constitue pour moi le chef d'oeuvre de Goossens. La qualité du dessin, la culture de l'auteur et l'intelligence du texte sont mis au service d'un sens du comique sans équivalent dans la BD, qui va du subtil au grotesque.
Georges et Louis rêvent d'écrire un roman formidable, qui marquerait la littérature et les rendrait célèbres et riches : ils brassent des thèmes et des idées de romans, contactent des éditeurs, des producteurs de cinéma, etc. Louis, qui est aussi ambitieux que frénétique et simplet, tente de renouveler les clichés littéraires (les pauvres qui vont égarer leurs invités dans la forêt parce qu'ils n'ont pas eu de quoi préparer le diner / le paysan de Paris transformé en "le paysan de Betelgeuse" / les moines rêvant de poser sur des boîtes de camembert / le vengeur justicier qui est en même temps un fainéant (ce que Louis présente comme un "portrait psychologique de sentiments contradictoires")). Georges, qui est plus réfléchi et posé, tente vainement de canaliser la fougue de son ami mais, obnubilé par le poney andalou (thème qui n'apparaît pas dans ce 1er tome) et les recettes d'écriture inspirées de "Au clair de la lune", il peine également à écrire son roman... Le tout donne un duo comique irrésistible, qui est aussi une brillante caricature des émissions littéraires et de l'esprit de salon !

Eric Eliès - - 49 ans - 10 novembre 2012