Comme une ombre
de Michel Schneider

critiqué par Aliénor, le 12 décembre 2011
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Extrêmement sombre
Trente ans après la mort de son frère Bernard, Michel Forger reçoit une lettre qui le ramène brutalement en arrière. Vers ce frère qui ne voulait pas se laisser aimer et se rendait détestable. Cette missive, écrite par la maîtresse de Bernard, fait ressurgir tous les souvenirs partagés, et toutes les questions restées en suspens et qui le resteront, puisque Bernard a choisi de mettre fin à ses jours sans la moindre explication. La seule certitude pour Michel, c’est que la guerre d’Algérie aura achevé la destruction d’un homme déjà fragile et inapte au bonheur. Un homme qui ne trouvait pas les mots pour parler, et ne s’exprimait que par la violence. Un homme qui ne trouvait le calme et le repos que dans la musique.

La construction de ce roman peut de prime abord surprendre. Elle alterne en effet les paragraphes narrant l’enquête menée par l’auteur pour reconstituer les pièces du puzzle de la vie de son frère (rédigés à la première personne), et ceux racontant les souvenirs d’enfance et de vie des deux frères (rédigés à la troisième personne). Mais le lecteur intègre très vite cette mécanique et se laisse emporter par cette alternance des deux époques, qui ont en commun les interrogations sur la personnalité d’un frère aimé mais qui refuse l’amour.

Interrogations et blessures, que Michel portera toujours en lui, même si le fait d’avoir entrepris l’écriture de ce roman est de nature à faire pâlir un peu l’ombre pesante de Bernard.
Une ombre pesante pour l’auteur, qui peut le devenir aussi pour le lecteur. Car cette reconstitution, bien qu’ayant une forme romanesque, est autobiographique. Et j’avoue avoir parfois eu du mal à prendre en charge le fardeau de Michel Schneider. Une famille nombreuse et complexe, des sentiments ambigus, beaucoup de silence et de violence contenue (ou pas), cela fait beaucoup pour un seul homme. Et il peut s’avérer difficile de partager une histoire à ce point intime et douloureuse, même si elle est bouleversante et remarquablement écrite. D’autant que le personnage de Bernard n’a rien pour susciter l’empathie, et qu’il fallait l’amour inconditionnel d’un frère pour en faire un héros de roman. J’ai refermé ce livre un peu éprouvée, soulagée d’en avoir fini avec une histoire si déprimée.