En douceur
de Jean-Marie Laclavetine

critiqué par Tistou, le 8 décembre 2011
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Comme dans un quotidien ouaté …
« D’un tempérament doux, Vincent Artus n’avait jamais tué que sa femme. Béatrice n’était d’ailleurs pas son épouse aux yeux de la loi, mais ce détail ne changeait rien au malaise qu’il éprouvait lorsqu’il venait à se remémorer le pénible épisode de la forêt d’Hayta. »

JM Laclavetine affiche la couleur d’entrée, Vincent Artus est d’un tempérament doux. Mais il a tué Béatrice. Mais seulement elle, notez bien. Ouvrage étrange que ce « En douceur », d’une grande inspiration qui rappelle celle de certaines œuvres de Tonino Benacquista. Avec le même côté décalé et original.
Oui, Vincent Artus a tué Béatrice, en la poussant dans un ravin dans les Pyrénées, dans la forêt d’Hayta, mais il est le seul à le savoir. Quoique … Pumblechook, son perroquet albinos semblerait bien l’avoir compris … et d’autres (pas des perroquets cette fois-ci !) peut-être aussi, comme la suite du roman le laissera comprendre.
Ca n’empêche pas Vincent Artus de mener sa vie un peu à part de médecin de dispensaire, genre de médecin de la misère parisienne, qui vit dans son camping-car avec son perroquet. Ca ne l’empêche pas sauf quand Camille fait irruption au dispensaire et dans sa vie, Camille la fille de Béatrice dont Vincent Artus ignorait jusqu’à l’existence.
« A 18h35, il reconduisit son dernier client, un jeune Chinois qui avait tenté de descendre l’escalier du métro Corvisart sur une planche à roulettes, et lui fit un petit signe d’au revoir avec ses doigts rouges de mercurochrome avant de refermer la porte.
A 18h42, il finissait de compléter un dossier, lorsqu’on frappa.
Un seul coup, net et clair.
Artus releva la tête.
La porte s’ouvrit, et Camille explosa dans sa vie. »
Une belle matière à roman et JM Laclavetine en fait bon usage. Ecriture soignée mais qui ne se regarde pas le nombril. Respect de la psychologie des personnages – très typés les personnages, relative cohérence et vraisemblance des avancées de l’histoire … Oui, « En douceur » a tout pour captiver le lecteur qui accepte de lâcher prise du réel pour se faire embarquer dans des pages noircies de signes noirs.
Une douceur très originale 8 étoiles

Difficile de trouver le titre d'une critique quand celui d'un roman est aussi judicieusement et exactement choisi!

Une histoire tranquille sur un homme tranquille … et qui entend le rester! Médecin dans un dispensaire, rassuré par un emploi du temps établi et rigoureux, vivant dans son camion aménagé avec Pumblechook, un perroquet albinos, Vincent Artus n'a de relations qu'avec ce dernier et son directeur, collègue et ami , Bruno Sémione.
« L'amitié prend parfois de ces formes délicates. C'est un sentiment aérien, à mille lieues de la tauromachie amoureuse, de ses vociférations, de ses liquides et de ses flammes, un vouvoiement des âmes, un pas de deux discret et silencieux hors de la durée, sans déclarations ni serments. »
Mais Vincent va voir son quotidien voler en éclat avec l'intrusion de Camille, la fille secrète de son ex-compagne disparue Béatrice.
« On détruit ce qu'on ne comprend pas. »

Le drame va se nouer tout « doucement » et pourtant avec son lot de surprises qui fait qu'on est complètement plongé dans cet univers feutré et original.
« On détruit ce qu'on ne comprend pas. »

A noter, une curieuse alternance de l'utilisation du nom et du prénom Vincent, puis Artus qui accentue la distance que prend le héros par rapport aux événements de sa vie.

Un roman vraiment tout en douceur, attachant et original.

Marvic - Normandie - 66 ans - 5 février 2012