Paradis, clef en main
de Nelly Arcan

critiqué par Libris québécis, le 4 décembre 2011
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Le Suicide de Nelly Arcan
Nelly Arcan, pseudonyme d’Isabelle Fortier, a servi de miroir afin que cette dernière se voie à travers les images peu flatteuses que son double faisait miroiter. Images qui l’acculèrent à une introspection fatale.

Son dernier roman dissèque cette duplicité morbide en reproduisant le parcours d’Antoinette Beauchamp, désireuse de porter atteinte à ses jours en recourant à Paradis, clef en main, une entreprise, qui propose des activités ludiques pour que leurs clients réussissent leur suicide. Pourquoi vivre quand chaque jour est un pas vers le tombeau ? Les fins dernières sont au cœur d’un propos vrillé aux problèmes relationnels de l’héroïne avec sa mère, une « merde » manipulatrice obsédée par l’apparence. Elle nourrit à l’égard de sa génitrice des sentiments exprimés à travers une finitude qu’évoque le vocabulaire scatologique. Merde et vomissure résultent d’un processus d’élimination, caractéristique des fonctions du corps. Un corps qui n’est plus à modifier pour mieux séduire. C’est plutôt un boulet pénible à traîner, dont il faut se débarrasser.

En somme, Antoinette est entrée dans une dynamique de mort qu’a alimentée un oncle, qui est passé à l’acte suicidaire grâce à Paradis, clef en main. Elle lui emboîte le pas quelques années plus tard pour échapper à un mal de vivre apparenté à celui de Holden Caulfield dans L’Attrape-cœurs de Jérôme-David Salinger, Heureusement, le dénouement accorde à son héroïne d’être atteinte par la grâce en croisant le chemin de Damas.

Cette œuvre psychanalytique livre les tripes d’une femme, dont le salut lui a épargné le fatum tragique de sa créatrice, qui s’est suicidée le 25 septembre 2009, juste avant la parution de ce roman.