The Monk in the Garden: The Lost and Found Genius of Gregor Mendel, the Father of Genetics
de Robin Marantz Henig

critiqué par Oburoni, le 27 novembre 2011
(Waltham Cross - 41 ans)


La note:  étoiles
Un moine, des petits pois et la naissance de la génétique
Gregor Mendel est l'un de ces inconnus célèbres de la science. Moine Augustin, l'homme était aussi un passionné de botanique dont les expériences sur des petits pois jetèrent les fondations de ce qui est devenu la génétique, "une révolution non seulement de la pensée biologique mais aussi de la pensée tout court".

Robin Marantz Henig, journaliste et auteur scientifique nous livre ici une biographie du sieur, sympathique et teinté d'humour, replaçant surtout le fameux moine dans le contexte de toute une époque, démarche importante pour comprendre les mythes forgés autour de sa personne et de ses découvertes.

Inconnu ? Ignoré ? Foutaises ! Gregor Mendel non seulement avait lu "L'Origine des Espèces" de Darwin (publié 6 ans avant qu'il ne rende ses propres travaux publics) mais, surtout, il avait envoyé une copie de ses recherches à une quarantaine de savants, dont Darwin lui-même ! Pourquoi, dès lors, faudra-t-il attendre les années 1930-40 et la théorie synthétique pour enfin voir les lois de Mendel associées à l'évolution par sélection naturelle ? Il semblerait que le pauvre Mendel, loin d’être un parfait inconnu perdu au fin fond d'un monastère dont le monde se contrecarre fut en fait victime de deux problèmes, assez idiots mais majeurs.

D'abord, s'il mit le doigt sur un mécanisme crucial pour comprendre l'hérédité il eut le plus grand mal à l'expliquer avec les moyens qu'il possédait. Comment voulez-vous qu'en 1865, sans la moindre idée de ce qu'est ne serait-ce qu'un chromosome il explique pourquoi génotype et phénotype -deux notions qui restent elles-mêmes a définir !- sont différents bien que liés ?!
Ensuite parce que cette difficulté à vraiment expliquer ce qu'il découvre, même s'il en a une vague compréhension qui témoigne de son incroyable perspicacité, rendit son hypothèse difficile à imposer face à d'autres, de la pangenèse au préformationnisme, alors beaucoup plus en vogue et populaires.

Toutes les découvertes qui le suivront (et le vocabulaire qui les accompagnera) découleront en fait d'une querelle majeure dans les années 1900 entre gradualistes et saltationnistes. William Bateson par exemple, saltationniste acharné sera de ceux qui s'accapareront Mendel, mort en 1884, lui conférant ainsi ce statut presque culte de génie oublié encore répandu aujourd'hui.

Si cette histoire chahutée de la naissance de la génétique ravira les passionnés de biologie, il serait pourtant simpliste de réduire ce livre uniquement à de la science. Le tout reflète aussi une formidable histoire humaine qui n'est pas sans faire sourire.

Il y a en effet quelque chose de touchant à penser à cet excentrique, moine expérimentant d'abord avec des souris puis, devant les problèmes pratiques et l'indignation de son évêque, se plonger dans la culture de plusieurs centaines de milliers de petits pois qu'il croise et recroise sur plusieurs générations avec une obsession, un dévouement qui le tiendra occupé pendant près de 6 ans. Excusant jusqu’à ses failles, sa médiocrité diront certains (prêtre raté, professeur raté) Robin Marantz Henig délivre un sujet des tours d'ivoire où trop souvent on enferme la science pour lui donner un côté à la fois chaleureux et poignant.

Le tout est non seulement instructif, mais aussi humainement fascinant.

(A noter que "The monk in the garden" est une édition américaine. Edité dans d'autres pays il circule aussi sous le titre "A monk and two peas").