Et, néanmoins
de Philippe Jaccottet

critiqué par Kinbote, le 11 août 2002
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Les fleurs de la vie
Une touffe de violettes pâles, la flambée d'un martin-pêcheur parmi les saules, le rouge « insondable » d'un rouge-gorge, l'évanescence des couleurs d’un paysage à la tombée d'un soir d'hiver, d’autres fleurs inspirent à Philippe Jaccottet, traducteur de Rilke et de Musil, moins des envolées lyriques que des réflexions sous forme de variations sur ce qui l’a ému.
La prescience de la mort qui court tout au long de ces prises du beau sur le vif accentue ces sensations esthétiques « saisies avant l'imminence de leur extinction ».
Certains fragments ou relevés de sensations s'assimilent à des haïkus dans leur brièveté et leur inachèvement : « Jour de novembre, faste, où un martin-pêcheur a pris feu dans les saules. »

Malgré ce sentiment de fin presque tactile qui imprègne ce livre de « proses et poésies », le poète prend son temps pour voir et prolonger sa vision par des notes qui n'en altèrent pas la percée et donnent des outils à ses successeurs pour percevoir sans modifier l’objet de perception, mettre en garde contre ce qu’il ne faut pas faire de façon à rendre visible – et lisible - aux autres.
« N’est-ce pas (.) comme si l’explication réduisait le poème à une imagerie et, de même coup, l’altérait, sinon le ruinait ? »
« Hölderlin, dans ‘Le Rhin ', et pensant aux fleuves, a écrit que ce qui ' sourd pur ' est énigme. Il en va exactement de ces fleurs, leur lumière incompréhensible est l'une des plus vives que j’aie jamais vues.
(…) Si elle était moins une énigme, conclut Jaccottet, elle éclairerait moins. »
Un petit traité du bien voir, à sa façon. Une manière de cueillir les fleurs de la vie avec le simple regard.
Voir le bel entretien accordé à Martine Vischer par Philippe Jaccottet à l'occasion de son 75ième anniversaire sur:www.culturactif.ch/entretiens/jaccottet.htm