Les fantômes de Belfast
de Stuart Neville

critiqué par Nothingman, le 23 novembre 2011
(Marche-en- Famenne - 44 ans)


La note:  étoiles
Belfast Child
Avec ce premier roman, Stuart Neville se positionne comme un jeune auteur irlandais à suivre. Son polar est en tout cas une belle surprise. On ne peut pas lâcher la rédemption de son personnage principal, soit un homme du passé qui a du mal à s’intégrer dans la nouvelle Irlande pacifiée.
Quelques années ont passé depuis l'accord de Paix signé en 1998 qui a officiellement mis fin à la guerre civile. Gerry Fegan, ex-activiste de l'IRA qui a végété quelques temps en prison, n’en finit plus d’écumer les pubs, en compagnie de la fée Whisky et d'une douzaine de fantômes : ils sont soldats anglais, unionistes, civils, enfants... Ces fantômes, ce sont tous ceux qu'il a tués lors de ses anciennes missions terroristes et qui réclament obstinément réparation.

Rongé par le remords, ne supportant plus leur constante présence, Fegan décide de les "écouter" et de tuer un par un ceux qui ont commandité leur mort, c'est-à-dire ses anciens acolytes, devenus pour certains des hommes politiques en vue et en quête de respectabilité. Cette balade nord-irlandaise va violemment raviver les dissensions politiques à l'oeuvre dans les différentes parties en cause, jusqu'à menacer le fragile équilibre politique.
Mais au milieu de cette violence arrive l’espoir d’une autre vie, lorsqu’il croise le chemin de Marie, jeune mère célibataire, considérée par les siens comme traître à la cause car elle a épousé un flic. Va t-elle réussir à apaiser Gerry ? Va-t-elle réussir à effacer les cicatrices profondes de son passé ?
Ce polar ne s’embarrasse pas de fioritures. Dès les premières pages, on est happé par le rythme rapide. On apprend sur la guerre civile nord-irlandaise, ses enjeux, mais aussi sur la fragilité des relations qui se sont instaurées là-bas. La tension ressort de chaque page de ce roman, très maîtrisé. Un auteur à suivre.
Les fantômes ont-ils disparu ? 8 étoiles

Sur la quatrième de couverture, on peut lire : « Le meilleur premier roman que j’ai lu depuis des années…une folle virée au pays de la terreur. »

James Ellroy

Mettons immédiatement les choses au point : vous n’êtes aucunement obligés de croire ce vieux roublard mais vous devez me croire, moi.
Il est difficile, en effet, de croire, qu’il s’agit d’un premier roman. Vous dire qu’il s’agit d’une lecture incontournable ne me semble pas exagéré.

Faut-il avoir une connaissance approfondie du conflit nord-irlandais pour comprendre et apprécier ce bouquin ? Non. Par contre, quelques recherches bien ciblées sur la toile peuvent vous en apprendre beaucoup en très peu de temps. Et on se sent moins con, je parle pour moi. Ces connaissances « éclairs » aident au début de la lecture, c’est un fait.

Saviez-vous que l’Accord de Paix pour l’Irlande du Nord n’a été signé que le 10 avril 1998 ? A-t-il tout réglé pour autant ? Non.
Les forces en présence : d’un côté, les Anglais, la police, les loyalistes ou unionistes (les protestants), de l’autre, les républicains (les catholiques).
Maintenant, débrouillez-vous !

Une intrigue froide, cruelle : Gerry Fegan, ex-tueur de l’IRA, a purgé une peine de douze ans dans la célèbre prison de Maze. Il en sort dépressif et alcoolique.
Sur ordre de commanditaires, il a exécuté douze personnes avec une impassibilité qui donne la chair de poule.
Parmi celles-ci, un policier qui venait rechercher son fils à l’école, abattu sous les yeux du gosse. Une femme tenant son bébé dans les bras entre dans une boucherie, Fegan lui tient poliment la porte. Les explosifs qu’il a déposés quelques minutes auparavant emportent le boucher, la femme et son bébé.

Je ne vous narre pas ces deux crimes abominables pour rendre cette chronique bien croustillante. Mais parce que, pendant trente ans, ce fut le lot quotidien des habitants d’Irlande du Nord, quel que soit leur bord. La guerre est toujours moche et dégueulasse.

Gerry Fegan évolue quelque part aux confins de la folie. Il entend et il voit en permanence les fantômes des douze personnes qu’il a exécutées. La seule échappatoire, obéir aux fantômes qui pointent du doigt les commanditaires de ses exécutions.


L’écriture de Neville est remarquable, on les touche presque, ces fantômes, on les entend presque, nous aussi. Ces scènes où Fegan soliloque avec eux sont de grands moments de poésie macabre.

Après les deux premiers meurtres, les commanditaires n’ont plus beaucoup de doute quant à l’identité de leur exécutant. Mais, en fin de compte, ils voient une occasion de récupérer ces meurtres à leur avantage. Après l’accord de paix, la plupart d’entre eux sont devenus des personnages de haut rang, politiciens corrompus, chef de la police, malfrats respectés.

Mais rien ne peut arrêter Gerry Fegan. Sa folie meurtrière n’est pas dictée par un sentiment de rédemption. Il ne veut rien d’autre que se débarrasser de ses fantômes, une fois pour toutes.

J’ai éprouvé quelques craintes quand j’ai vu poindre l’intrigue amoureuse entre Gerry Fegan et Marie, ex-épouse d’un flic protestant qui lui a fait une petite fille, Ellen. C’est qu’elle est très mal vue, Marie. Une vraie trahison. Les menaces sur sa personne vont se multiplier, On n’en veut plus de la Marie. Il est question de l’exporter loin, très loin, elle et sa fille, sans leur faire de mal. En bonne Irlandaise, elle est plutôt du genre « têtu ». Elle refuse.
Mes craintes n’étaient pas fondées. Dans ce contexte d’extrême violence, il ne peut y avoir d’amour. Gerry Fegan n’est pas un homme que Marie peut aimer. Est-elle encore elle-même capable d’amour ? La petite Ellen, elle, aime Gerry. Pas de jugement de la part d’une fillette.

Les meurtres suivent leurs cours, implacables, Gerry Fegan devient la personne à abattre. Tenaillé entre ses fantômes qui lui réclament leur dû et son dégoût de plus en plus prononcé pour la violence, il ne peut plus faire machine arrière.
D’autant que Marie et Ellen ont été enlevées par le vieux Bull O’Kane, sorte de patriarche craint et respecté de tous. Détenues quelque part dans l’arrière pays, dans une ferme en carré dont l’un des côtés est composé uniquement de cages peuplées de chiens, des pittbulls et dont la grange a été aménagée en aire de combat.

C’est dans ce décor de peur, de violence, d’odeurs de transpiration des hommes et de défections des chiens que Gerry Fegan terminera son chemin de croix. A quel prix ?

Cette dernière partie est un peu tirée en longueur et m’a fait penser à « Règlements de comptes à OK Corral ». Cela tire de tous côtés, des mecs réussissent encore à loger des pruneaux dans des bides ennemis alors qu’ils devraient logiquement avoir passé l’arme à gauche. Mais cela ne diminue en rien la qualité de l’ouvrage.

Une intrigue originale, menée de main de maître et tambour battant, des personnages plus cyniques les uns que les autres, une Irlande que l’on croit en paix mais où les haines sont ancrées… à tout jamais ? Un roman de très grande facture.

A lire du même auteur : « Collusion » paru chez Rivages/Thriller en 2012. Il est vivement conseillé de lire « Les fantômes de Belfast » avant « Collusion ». Pour la bonne et simple raison que certains protagonistes et non des moindres se retrouvent dans ce deuxième opus.

Cette chronique est beaucoup plus longue que ce que j’ai l’habitude de vous proposer. Mais qu’aurais-je pu enlever ?

Jean56 - - 68 ans - 30 juillet 2014


polar noir irlandais 8 étoiles

outre un excellent polar noir, ce livre nous plonge dans les répliques du conflit irlandais et des accords de paix, leurs conséquences non seulement politiques mais aussi humaines et intimes.
On s'attache à cet ancien tueur pourtant autrefois inflexible car dans sa quête de rédemption qui se manifeste par des symptômes aux conséquences meurtrières et des visions fantomatiques, s'expriment une culpabilité sincère et une foi en l'humanité de la part de l'auteur qui pourtant ne cède pas aux bons sentiments car il décrit par ailleurs des hommes corrompus, dont l'engagement pour la cause qu'ils défendent est bien fragile et fluctuant en fonction de leurs intérêts ou de leur amour propre, de leur vanité.
Cet homme, redoutable et redouté se révèle fragile et s'ouvre à l'amour. Le suspense est aussi sentimental: va t-il réussir son histoire d'amour?

Teacher1 - - 58 ans - 4 juin 2014


j'ai aimé l'histoire 8 étoiles

fegan n'est plus que l'ombre de lui-même; après avoir purgé sept longues années de prison, il est devenu alcoolique, traîne dans les pubs et parle tout seul. il est considéré comme un fou par son entourage et ses anciens camardes républicains catholiques. Ce que ces derniers ne savent pas, c'est que fegan, quelques temps après sa sortie de prison a commencé à être hanté par des fantômes qui lui ont ordonné de tuer un par un ceux qui ont commandité leurs assassinats ou du moins qui en ont été responsables et qu'ils en sont la cible ..il s’exécutera en pensant que c'est la seule manière de trouver la paix. et aussi parce que la culpabilité d'avoir lui même commis ces meurtres injustes le ronge
j'ai aimé le romain, il relate le conflit nord irlandais avant et après l'accord de paix et le tout mêlé à un bon roman.

Nina2 - - 43 ans - 6 mars 2014


Un sixième sens trop développé ? 10 étoiles

Pour un premier roman c'est une vrai réussite. Ce livre m'a fait découvrir l'ambiance conflictuelle de l'Irlande du Nord dans les années 2000. Avec une atmosphère particulière, puisque le personnage principal doit vivre avec ses fantômes. Comme c'est un ancien tueur ça ne doit pas être tout les jours facile. Comme il commence à tuer ses anciens commanditaires, il devient très gênant, et il va falloir l'éliminer. Il va croiser une femme qui va changer son existence, et peut-être lui donner envie de passer à autre chose...

Le scénario est rondement mené, l'auteur maitrise à la perfection son sujet, et il le développe avec beaucoup d'attention. Plus qu'un simple polar, ce livre peut nous faire prendre conscience sur la vie difficile des Irlandais pendant le conflit avec l'IRA. Avec une intrigue qui tient son lecteur jusqu'au bout, des rebondissements et une ambiance assez spéciale, l'écrivain réussit un coup de maitre pour ce premier livre.

Un bon roman policier à lire avec attention, qui devrait vous faire passer quelques bons moments et avoir quelques frissons.

Laurent63 - AMBERT - 50 ans - 2 décembre 2011