Amours, délices et orgues
de Alphonse Allais

critiqué par CC.RIDER, le 22 novembre 2011
( - 65 ans)


La note:  étoiles
Poésie iconoclaste
Il suffirait que la Reine d'Angleterre épouse le jeune roi d'Espagne pour que soit résolu la question de Gibraltar... Pour éviter la guerre, l'empereur d'Allemagne pourrait remettre l'Alsace-Lorraine aux Polonais pendant que le Tsar de toutes les Russies offrirait la Pologne aux Alsaciens-Lorrains... On devrait mettre en place des bains de pieds dans tous les compartiments des wagons de chemin de fer, cela permettrait de faire des économies d'énergie grâce à la chaleur récupérée... La meilleure façon de s'amuser au théâtre ? Se placer au balcon et faire tomber des gouttes d'eau sur le crâne d'un chauve ou dans l'échancrure d'une dame à forte poitrine... Si, en suivant une coutume africaine, on brûlait la belle-mère quand on mariait la fille, on serait à peu près certain que le mariage y retrouverait « sa vieille vogue d'autrefois »...
Ces quelques exemples juste pour donner une idée de la loufoquerie et de l'humour déjanté de cet ouvrage du début de l'autre siècle. Des textes courts, percutants, ironiques, grinçants et parfois même poétiques. Jarry use avec maestria de toutes sortes de registres comme la fable, le conte, la nouvelle, le canular, la blague de potache, le fait divers ou l'article de journal, mais toujours de manière détournée et surprenante. Le lecteur a l'impression que l'auteur prend un malin plaisir à détourner les codes, à bousculer les idées reçues. Usant d'un comique grinçant, le poète iconoclaste met en scène, de façon insolite, les traits humains les plus grotesques. Il était tellement en avance sur son temps (il prédit la fin du pétrole et de toutes les énergies fossiles et préconise l'utilisation étendue de l'énergie animale en exploitant les souris et les grenouilles !) qu'il reste d'une grande modernité sans parler du plaisir que l'on peut trouver à le lire aujourd'hui encore.