A ciel ouvert
de Nelly Arcan

critiqué par Libris québécis, le 15 novembre 2011
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
La Burqa de chair
La femme musulmane se dissimule sous une burqa à l’instar de la femme occidentale sous le botox et les implants mammaires. Ces corps étrangers sont destinés à sceller les liens hommes femmes. Mais atteignent-ils l'objectif visé? Nelly Arcan laisse filtrer les drames qui couvent derrière la mascarade des corps frelatés que l'on soumet à la contemplation de la gent masculine.

La quête de soi se fusionne à la quête de l'autre. On ne cherche pas à être bien dans sa peau, mais de s'en donner une nouvelle en suivant les conseils des revues vouées à la beauté des corps, plus facile à illustrer que la beauté de l'âme. On a substitué la maxime du poète Juvénal, « Mens sana in corpore sano », par un esprit sacrifié au corps torturé. La quête de l'autre passe ainsi par la chair magnifiée afin d'être plus concurrentielle sur le marché des cœurs à vendre. Exhiber son corps « à ciel ouvert » serait-il vivre à tombeau ouvert?

Le roman présente deux héroïnes en quête du même homme. Pour se l'accaparer, ces dépendantes affectives sont prêtes à souffrir dans leur chair en adoptant des méthodes empruntées au sadomasochisme. Victimes d'une filiation carentielle, elles perpétuent leur malheur en jouant la carte trafiquée de la séduction.

La réflexion sur l'humanité dénaturée s'inscrit dans le créneau de Réjean Ducharme, qui déplore les mises en scène pour épater la galerie. Là se limite la comparaison. Contrairement à son aîné, Nelly Arcan ne propose pas une hibernation de force pour sauvegarder son intégrité. Son roman participe à la recherche de ce qui pourrait créer le bonheur du couple à travers une sexualité qui comblerait les attentes. En fait, elle traite des aspirations du deuxième sexe, comme dirait Simone de Beauvoir, mais la lourdeur de l'écriture malgré les belles envolées et les éléments secondaires, comme la guerre au Liban, détourne de l’importance de la thématique. Malheureusement on risque d’appliquer à ce roman la chanson de Serge Gainsbourg :
Je n'suis qu'une poupée de cire, qu'une poupée de son
Sous le soleil de mes cheveux blonds.