La constance du jardinier
de John le Carré

critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 5 août 2002
(Liernu - 56 ans)


La note:  étoiles
Pauvre en suspense, mais agréable à lire.
Tessa Quayle est retrouvée assassinée aux abords du lac Turkana, au Kenya.
Sa mort va faire grand bruit car son mari n'est pas n'importe qui : Justin est diplomate au haut-commissariat de Nairobi.
Le compagnon de voyage de Tessa, Arnold Bluhm, désigné par tous comme son amant, a lui-même disparu.
Tessa, loin de l'image glacée des femmes de diplomates qui ont comme seul souci la bonne tenue des domestiques et l’organisation de fêtes, était énergique, intrépide même, lorsqu'il s’agit de dénoncer les méfaits d'une firme pharmaceutique qui lance sur le marché africain un médicament contre la tuberculose, non testé dans les règles, prenant donc les kényans démunis comme cobayes et considérant les morts qu’il cause comme quantité négligeable.
Justin ne croit pas qu'Arnold ait été l’amant de Tessa, pas plus qu’il n'accrédite la thèse d’un meurtre commis par des tueurs du bush, bande nomade, bandits de grands chemins.
Déchiré par la mort de sa femme, il va reprendre son enquête, mettre ses pas dans les siens, découvrir l'innommable et en être révulsé comme elle l'a été.
Voilà pour l’histoire.
Ce roman, écrit par le maître de la littérature d'espionnage paraît-il (je n’y connais rien), m'a déçue.
En effet, on connaît les coupables dès le début.
Il y a bien un mini suspense à suivre Justin qui va de découverte en découverte, mais celles-ci ne concernent pas le coupable, plutôt l'étendue de la catastrophe.
Il ne fait que confirmer la thèse de départ.
Pas de rebondissements donc.
Il reste que John le Carré écrit bien et qu'on ne peut nier qu’il ait un certain style ainsi qu'une bonne dose d’humour.
Heureusement ! Ben oui, c'est un art de meubler 485 pages !
Il en profite pour développer de-ci de-là un plaidoyer en faveur de la cause africaine et contre certaines firmes pharmaceutiques:
« L’Afrique compte 85% des cas de sida dans le monde, vous le saviez ?
Et combien ont accès aux médicaments ?
1% !
Ce n'est plus un problème humain, c’est un problème économique !
Les hommes ne peuvent pas travailler.
Les femmes non plus.
C'est une maladie hétérosexuelle, ce qui explique le nombre si élevé d’orphelins !
Ils ne peuvent plus nourrir leur famille !
Plus rien faire ! Ils meurent, c’est tout ! »
« Pourquoi ce labo a-t-il fait don de ce médicament ?
Je vais vous le dire.
Parce qu'ils en ont fabriqué un meilleur et que l’ancien encombrait le stock.
Alors ils en font don à l'Afrique malgré la date de péremption à six mois et ils obtiennent un avantage fiscal de quelques millions de dollars pour leur acte de générosité.
Sans compter qu'ils s'épargnent au passage quelques millions en stockage et en frais de destruction de médicaments invendables.
Et en prime tout le monde dit : « Oh, regardez ce qu'ils sont gentils », y compris les actionnaires… »
On sent l’auteur concerné par cette problématique qui sert de toile de fond à son roman.
Dommage qu'il n’ait pas mis autant d'énergie à maintenir le suspense et à distiller les découvertes…
Psychologiquement intéressant 8 étoiles

La mort d'une journaliste européenne en Afrique donnant lieu à l'enquête de son diplomate de mari, veuf, par la même occasion, permet le développement d'une jeu de piste psychologique teinté de géopolitique et d'humanitaire. Ces éléments constituent donc un roman original et psychologiquement bien fait, que j'ai bien apprécié.

Veneziano - Paris - 46 ans - 6 août 2022


Troublante Afrique 8 étoiles

J'ai eu la faiblesse de croire en commençant ce livre de John LE CARRE à partager une forte histoire d'espionnage. Ce n'est pas le cas avec "La constance du jardinier" mais ce n'est pas grave, l'histoire développée par l'auteur est très plaisante.

L'auteur nous donne néanmoins de beaux moments de suspense, d'enquête et nous fait découvrir des volets parfois méconnus de l'histoire (petite ou grande) de l'Afrique avec ses expatriés, sa diplomatie et sa pauvreté.

Un livre à découvrir pour son émotion et ses découvertes.

Vinmont - - 49 ans - 26 juin 2019


Lovelyvirginie 8 étoiles

J'ai aimé ce livre, la justesse et la pertinence de l'histoire.
Enfin un livre qui ne traite pas du Kenya sous l'angle unique et limité des safaris pour touristes !

Ici, on vit la vie dorée des expatriés et des diplomates de Nairobi, mais on côtoie aussi la dureté des bidonvilles (Kibera...).

Du beau, du vrai... et une jolie histoire
assante !(merci)

Lovelyvirginie

Lovelyvirginie - - 48 ans - 14 mai 2006


après le film, le livre 6 étoiles

le livre est venu après le film dans mes loisirs. Parce que l'oeuvre de Meirelles m'a touchée, j'ai acheté le livre dont il était tiré. Pendant les cent premières pages, je me suis réellement interrogée : m'étais-je totalement trompée sur les personnages ?
J Le Carré et Meirelles ont usé d'un medium (l'écrit pour l'un, la pellicule pour l'autre) différent avec leurs qualités propres. Le film est une fulgurance d'images d'une Afrique magnifique (et pourtant on nous présente plus que de sublimes paysages) et joue sur les sentiments. Le livre est plus manipulateur, nous jetant d'un personnage à l'autre, il est plus froid, plus lent.
Entre émotion et réflexion, on peut choisir les deux.
Post e-scriptum : il n'y a pas d'incidence à connaître les "coupables" dès le début. J Le Carré ne présente que des coupables dans son livre, à des degrés divers, conscients ou non de leur(s) crime(s).

Vda - - 48 ans - 4 février 2006


un autre regard sur l'Afrique, peut-être 8 étoiles

J'ai choisi ce livre dans les rayonnages parce que je rentrais de Tanzanie et du Kenya et que j'aime bien les livres d'espionnage.
Il est vrai - pour avoir lu d'autres 'Le Carré' par la suite - que ce n'est pas de l'espionnage à proprement parler. Ce n'est pas un thriller "total".
Mais je trouve que le personnage de Justin est bien traité. La tristesse, la révolte, cela mène Justin à changer de personnalité, de trouver en lui des ressources qu'il ne savait pas avoir. La force vient de son amour pour sa femme et ensuite de l'injustice qu'il découvre.
Le coup de gueule de M. Le Carré sur l'industrie pharmaceutique est révélateur de l'ambivalence de la société occidentale par rapport à l'Afrique et au sacro-saint bénéfice. Il se défend d'attaquer sous couvert de fiction.
Mais est-on dupe ?
Pour une fois la fiction peut être au service de l'information.
En effet, est-ce vraiment de la fiction ? Lorsqu'on voit les résultats de la dernière conférence mondiale sur le sida... on peut en douter. L'Afrique a un défaut pour l'industrie pharmaceutique, le "bas peuple" n'a pas les moyens de payer pour se faire soigner. Alors pourquoi ne pas se débarrasser des stocks de cette façon ?
Merci à M. Le Carré de m'avoir fait quelque peu réfléchir à ce problème et ce avec panache.

Eowyn - - 50 ans - 1 septembre 2004


Une vision pessimiste 8 étoiles

Personnellement , j'ai beaucoup apprécié ce roman
1° car pour un thriller, le meurtre pour aussi horrible qu'il soit n'est pas "gore"
2° l'étude des personnages diplomates est croustillante
3° j'ai aimé l'évolution de Justin , le veuf , celui dont l'univers n'a plus de sens et qui mène l'enquête par amour
4° et puis le thème des laboratoires pharmaceutiques - même si J Le Carré se défend de toute histoire ayant le moindre rapport avec la réalité - nous fait réfléchir sur ces sociétés et leur rôle dans les pays africains ravagés par le sida

Léopoldine - Savenay - 66 ans - 31 août 2004