La fin de la télévision
de Jean-Louis Missika

critiqué par Shelton, le 13 novembre 2011
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Elle va mourir ?
Il peut toujours sembler paradoxal d’annoncer « la télévision est morte » ou « en train d’agoniser » quand il y a encore une moyenne d’écoute et visionnage de trois heures trente par Français ! Et pourtant !

Cet essai de Jean-Louis Missika vient nous montrer que la télévision n’est plus tout à fait ce qu’elle était hier, tout est en train de changer. Si elle ne meurt peut-être pas, alors pour le moins elle est en train de connaître sa véritable révolution. Oui, la télé fait sa mue !

Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore l’auteur rappelons qu’il a écrit avec Dominique Wolton l’ouvrage devenu référence « La folle du logis, la télévision dans les sociétés démocratiques ». Une trentaine d’années a passé, la folle est toujours là mais dans quel état ?

La première étape de l’histoire de la télévision peut être résumée, comme le dit très bien l’auteur, dans ce qui s’est passé le 20 juillet 1969. Ce sont les premiers pas d’Armstrong sur la lune et toute la planète est en communion parfaite avec lui… Même les Russes sont bien obligés de constater leur défaite sur cette aventure lunaire…

Les heures de gloire de la télévision vont s’inscrire alors avec des grandes messes chantées avec chorales polyphoniques : le sacro-saint 20 heures, les finales de la coupe du monde de football et jusqu’à la guerre en direct avec la première guerre du Golfe et ses bombardements suivis par la planète entière…

Cette première phase serait-elle terminée, définitivement close ? On n’est pas loin de le penser puisque, dit-on, cette année en dehors de quelques grands rendez-vous sportifs il n’y aura pas eu de pointes d’audience. Les grands journaux télévisés ont perdu de leur superbe depuis que des chaînes sont venues participer à la fête. Ces fameuses thématiques ont pris leur part du gâteau et le public a de moins en moins confiance dans cette information distillée sous contrôle de quelques journalistes…

Il faut dire qu’entre temps c’est une nouvelle folle qui est arrivée : Internet ! Et toutes nos habitudes ont changé, ou sont en train de subir une profonde évolution. L’auteur le constate en 2006, année de l’écriture de l’essai, et cela est d’autant plus vrai aujourd’hui…

Deux éléments mis en avant me semblent important à retenir. D’une part, le fait que la multiplicité de l’offre télévisuelle, combinée à des modes de fonctionnement Internet de recherches individuelles de programmes, fait que nous n’avons plus une population entièrement stéréotypée… Je me souviens, que l’on excuse cet aspect ancien combattant, que dans ma jeunesse, certains match de sport étaient bien diffusés à la télévision. Le lendemain, tout le monde en parlait… Aujourd’hui, celui qui veut voir du football, du rugby, du tennis, du basket… peut en voir tous les jours, ne suivre que son club préféré et, finalement, on en parle beaucoup moins, chacun n’ayant vu qu’un match parmi tant d’autres…

Le second point réside dans ce qu’appelle Jean-Louis Missika « la déprofessionnalisation » des médias. Elle est arrivée en plusieurs temps comme certaines formes d’interactivité, puis les talk shows, la télé réalité et, enfin, toutes les formes d’antenne est à vous qui ont fleuri. Les professionnels disparaissent au profit de tout un chacun qui peut se transformer en artiste, en journaliste, en sportif, en éditorialiste, en politique… Il y a de bonnes choses dans cette évolution, mais il y a, aussi, comme le dirait Esope s’il arpentait nos rues, le pire…

Que deviendra la télévision ? Va-t-elle disparaître entièrement ? Nous vivons comme le dit l’auteur, une « sorte de période de transition où les initiatives se multiplient sur Internet et ailleurs pour expérimenter les possibilités nouvelles d’organisation du débat politique et de production d’une information d’intérêt général ».

Mais je terminerai en affirmant que la télévision, malgré tout, est encore bien là ! Un exemple ? Regardez le débat des récentes primaires socialistes. La campagne suivait son cours tranquille avec des petites forces que l’on voyait à l’œuvre sur Internet et dans les rencontres de militants. Il a suffit de trois débats télévisés pour que l’engouement populaire soit irrésistible et dépasse toutes les prévisions. Regardez, aussi, l’affaire DSK ! Certes, tous les supports papier ont profité de cette « aubaine » pour faire leurs meilleures ventes de l’année, mais dès que le fameux DSK est venu lui-même s’expliquer sur une chaîne de télévision, ce fut l’explosion de « l’audimat » !

Oui, tout change, indéniable, mais la télévision a encore quelques beaux jours devant elle car une partie de la population n’arrivera pas à changer d’habitude instantanément ce qui causera, probablement, des fossés entre les personnes, en fonction, entre autres, des générations… rien de nouveau sur notre pauvre Terre…

Un bon essai à lire car le passage de quelques années sur ses pages ne le rendent pas caduc !