Critique littéraire
de Alexandre Vialatte

critiqué par Dirlandaise, le 6 novembre 2011
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Les perles de monsieur Vialatte
Ce livre est un recueil de critiques littéraires écrites à partir des années 1952. Ce fut d’ailleurs l’activité principale de l’écrivain à partir de cette date. Surtout connu comme traducteur de Kafka et de Nietzsche, Alexandre Vialatte excellait également à critiquer surtout les écrivains de son époque. Ce sont pour une grande majorité des hommes avec aussi quelques représentantes de la gent féminine : Ferny Besson, Françoise Sagan, Anaïs Nin et Louise de Vilmorin. Quatre femmes seulement pour trente-sept hommes. C’est un peu étonnant car les femmes écrivaient sûrement très bien à l’époque si je ne m’abuse…

Donc, monsieur Vialatte y va de son petit commentaire sur chacun de ces personnages certains célèbres et très connus, d’autres plus obscurs. Mais une chose est sûre, il donne le goût de lire tous ces auteurs, il met l’eau à la bouche de ses lecteurs, il ouvre des portes et on a juste envie de s’y engouffrer tellement sa prose est savoureuse et invitante.

Parmi les auteurs mentionnés, on trouvera Jean Anglade, Jacques Audiberti, Antoine Blondin, Louis-Ferdinand Céline, Charles Dickens, Alexandre Dumas, Julien Green, Eugène Ionesco, Franz Kafka, Pierre Larousse, Roger Nimier, Georges Simenon etc.

En fait, ce sont des chroniques écrites pour le quotidien auvergnat « La Montagne », le mensuel « Le Spectacle du Monde » et l’hebdomadaire « Paris-Match ». J’aime bien ce genre de recueil. J’y découvre toujours des auteurs intéressants que je ne connaissais pas bien qu’ici, tous sont connus mais tout de même, je découvre Ferny Besson, Dino buzzati, Jean-Galtier Boissière et quelques autres.

Ce sont les meilleures chroniques qui ont été retenues pour constituer ce recueil donc elles sont toutes intéressantes et écrites avec art, parfois avec beaucoup d’humour mais toujours avec un professionnalisme et un souci du détail fort louable.

J’ai particulièrement apprécié le texte sur François Mauriac, Céline et aussi celui sur François Villon. En quelques pages, monsieur Vialatte cerne son personnage et nous le restitue avec vérité et un remarquable talent de prosateur. Plusieurs textes constituent presque à eux seuls de petits romans et nous plongent dans l’époque et la vie de l’auteur avec une efficacité étonnante. Par contre, quelques-uns m’ont parus assez confus et j’ai éprouvé un peu de mal à suivre le propos, n’ayant pas les connaissances suffisantes du milieu et du contexte décrits. C’est tellement français mais c’est excellent et fort enrichissant !

« Céline est un monstre sacré. Il a bâti des cathédrales de vomissure qui se mirent dans des lacs de purin. Il n'en reste pas moins que ce sont des cathédrales, conçues dans l'hallucination par un personnage titanesque, oraculaire et prophétique, un fabricant de polichinelles géants, clownesque, et même parfois féerique ; des cathédrales, avec des tours et des gargouilles (beaucoup de gargouilles, rien que des gargouilles), des piliers et des chapiteaux. Sans compter des vitraux qui éclairent dans les ténèbres, d'une lueur d'apocalypse, un magma de personnages miteux, marmiteux et calamiteux, bouffons, grandioses, plus vrais que le vrai, d'une vérité invraisemblable, qui finissent pêle-mêle dans l'horreur, le feu des bombes, le feu du ciel ou le flot de l'ordure, des cabinets ayant débordé quelque part. Guignols tragiques d'un Occident condamné à la catastrophe, noyé dans son propre excrément. Il faut toujours, avec Céline, une tinette qui déborde à flots et se transforme en Niagara. C'est parce qu'il n'y a plus sa grand-mère, silhouette épique, monstre d'hygiène et modèle des propriétaires, qui débouchait les cabinets de ses locataires en s'aidant d'un jonc souple et d'un broc d'eau bouillante. Opération dont elle mourut un jour de gel. »